France : Faute de rapatriements des dépouilles, les cimetières musulmans saturent

Face aux restrictions imposées pour les voyages vers l’étranger, les musulmans de France se retrouvent souvent dans l'obligation d’inhumer leurs proches décédés dans l'Hexagone, faute de pouvoir rapatrier leurs dépouilles vers leurs pays d'origine. Une situation qui fait que la quasi-totalité des carrés réservés pour l'inhumation des musulmans dans les cimetières français se trouvent aujourd'hui saturés, en raison du nombre important de décès liés à cette épidémie. 

À travers toute la France, les pompes funèbres musulmanes, qui prennent en charge les rapatriements de nombreux ressortissants ou personnes d’origine maghrébine, se retrouvent depuis la pandémie face à une situation inextricable. Faute de pouvoir rapatrier les corps vers les pays d'origine de ces défunts, en raison des restrictions imposées aux voyages, les proches des décédés se heurtent aussi au manque de places réservées aux musulmans au niveau des cimetières en France, indique une enquête du Parisien.

Le manque de rapatriement des dépouilles vers le Maghreb a généré une pression sur les cimetières musulmans en France

Dès l'apparition de la pandémie du Covid-19, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie ont suspendu, les rapatriements des corps de leurs ressortissants morts du Covid-19 à l’étranger. Déjà en temps ordinaire les procédures sont extrêmement strictes. Mais aujourd’hui, avec l'épidémie et l’arrêt des vols internationaux, elles sont quasi impossibles.

De nombreuses familles endeuillées sont plongées dans une double détresse : outre la mort en elle-même de leur proche, elles se retrouvent dans l'incapacité de lui faire l'adieu qu'elles souhaiteraient. L'impossible rapatriement des défunts dans leur pays d'origine se conjugue à l’obligation d’une inhumation rapide dans la religion musulmane.

Près de 10'000 dépouilles d’Algériens rapatriés jusqu'à fin mai 2021

Toutefois, malgré ces restrictions, les autorités algériennes ont pu répondre aux appels lancés par la diaspora algérienne en France en vue de rapatrier les dépouilles de leurs proches vers l’Algérie. En effet, malgré  l’arrêt des vols internationaux, l’Algérie a négocié avec les autorités françaises l’organisation d’avions-cargos pour le rapatriement des cercueils.

Selon l'ancien député de l'émigration, Samir Châabna, l'Algérie a rapatrié jusqu’à la fin du mois d’août dernier, près de 10'000 dépouilles d'Algériens  décédés en France depuis l'apparition de la pandémie de Covid-19.

« Exactement, 9524 dépouilles d'Algériens décédés à l'étranger ont été rapatriées depuis plusieurs pays » a fait savoir l'ex-membre de l'Assemblée nationale. « Le rapatriement de toutes ces dépouilles a eu lieu par le biais de dizaines de vols organisés par Air Algérie et les autorités algériennes », affirmait Samir Chaâbna dans les colonnes d'Ennahar.

Des familles algériennes ont dû conserver les dépouilles de leurs proches décédés en France dans des caves

D'ailleurs, et toujours selon les déclarations de Samir Chaabna, 125 familles ont dû conserver les dépouilles de leurs proches disparus dans des caves, en attendant la reprise du rapatriement des corps, et ce, à l'époque où les frontières étaient totalement fermées. Les familles en questions avaient fini par rapatrier leurs défunts vers l'Algérie afin de les inhumer dans leurs villages d'origine.

En France, il n’existe pas de cimetières entièrement dédiés aux musulmans

Au chagrin causé par la mort d'un proche, les ressortissants maghrébins de confession musulmane se heurtent à un problème de taille : impossible de transférer la dépouille mortuaire vers leurs pays d'origine et surtout se retrouver face au manque de places dans les carrés musulmans en France. Car, dans ce pays se définissant comme laïc, il n’existe pas de cimetières confessionnels au sens propre du terme.

En France, il n’existe donc pas de cimetières entièrement dédiés aux défunts musulmans. Par contre, à l’intérieur des cimetières, on trouve ce qu’on appelle des carrés musulmans c’est-à-dire une partie du cimetière réservée aux musulmans décédés.

Des musulmans ne trouvent plus de place au niveau des cimetières pour inhumer leurs proches

De plus en plus de musulmans ne trouvent plus de place au niveau des cimetières pour inhumer leurs proches. Selon le Parisien « de plus en plus de communes doivent étendre leur cimetière ou en créer un autre pour remédier à la saturation des lieux d’inhumation ». En cause, « les effets conjugués de la pandémie et de l’impossibilité, depuis un an et demi, d’enterrer certains morts dans leur pays natal », indique la même source.

Avec 133 décès - 83 l’an dernier et plus de 50 depuis début 2021 - la municipalité de Mée-sur-Seine, près de Melun, en Seine-et-Marne, a décidé la création d’un nouveau cimetière, plus grand que l’actuel, pour répondre à un besoin réel et nouveau de la population. « Depuis moins de deux ans, on vit une situation atypique. On a eu un afflux de décès et, en ce qui concerne les ressortissants étrangers qui vivaient dans notre ville, certains pays se sont fermés et il n’a pas été possible de rapatrier les dépouilles dans leur pays natal. Il a fallu les enterrer au Mée », confirme au Parisien, Franck Vernin, le maire de la commune de près de 21'000 habitants.

La France a besoin de plus de carrés musulmans dans les cimetières

Face à la situation sanitaire exceptionnelle que traverse la France où vivent de nombreux musulmans, la question des places disponibles pour l’inhumation se pose. Surtout pour les familles de défunts musulmans, car les carrés musulmans ont des capacités plus limitées. Une situation qui a poussé les autorités de plusieurs communes à mettre en place de nouveaux carrés musulmans au niveau des cimetières.

D'ailleurs, dans le nouveau cimetière de Mée, un carré musulman est prévu. « On remercie le maire du Mée. Dans la ville, on a eu plus d’une dizaine de personnes inhumées ici au lieu de repartir au pays. Cela a saturé le carré musulman, il doit rester deux ou trois concessions », a commenté à ce propos le président de l’Union des musulmans du Mée (UMM), Mourad Salah.

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