Harraga algériens portés disparus : la Tunisie gravement accusée

Les énigmatiques disparitions de migrants clandestins algériens au large de la Méditerranée commencent à trouver des réponses. Les soupçons des organisations humanitaires et des collectifs des familles des migrants disparus s’avèrent fondés : la Tunisie est pointée du doigt. Le pays dissimule des informations sur certains migrants disparus, qui se retrouvent en réalité dans ses prisons.

Le journal El Watan rapporte que 14 harraga de Dellys (Boumerdes) portés disparus en haute mer en novembre dernier se retrouvent à la prison d’El Mornaguia, près de Tunis. les migrants ont été secourus par un bateau alors qu'ils étaient en difficulté. Les familles des migrants qui n'ont cessé de les chercher ont découvert, surpris, que leurs enfants sont emprisonnés en Tunisie sans que ce pays informe les autorités algériennes. Le lieu où se trouvent ces Harraga aurait été localisé depuis deux jours par le centre de détention des disparus en mer, basé en Espagne.

Ces familles, qui ont frappé à toutes les portes, tant qu'en Algérie qu'à l'étranger, ont enfin pu avoir des informations sur leurs enfants. « Il y a des Tunisiens qui nous ont beaucoup aidés. L’un d’eux nous a assuré que cinq parmi les jeunes disparus sont à la prison d’El Mornaguia », témoignent les familles concernées. Un Tunisien ayant pu accéder à la prison, ces derniers jours, parle de la présence de « 43 Algériens dans le même pénitencier ». Les familles, soulagées que leurs enfants soient en vie, craignent tout de même que « les Tunisiens leur collent quelque chose de grave ».

Étrangement, du côté algérien, les autorités restent silencieuses, selon le frère d'un disparu. Le ministère des Affaires étrangères et le consulat d’Algérie à Tunis n’ont pas pris attache avec les familles des Harraga. Le même frère de disparu témoigne : « Nous sommes allés au ministère des Affaires étrangères. Leur réaction nous a laissé comprendre qu’ils ne sont pas au courant du problème ».

Une situation qui perdure

Cette situation n'est pas nouvelle. A Annaba, plus de 400 familles de Harraga disparus depuis 2007 se sont constituées en collectif. Ces dernières accusent la Tunisie de détenir illégalement leurs enfants. Elles ont, d'ailleurs, déposé plusieurs plaintes auprès du GTDFI, le groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de l’ONU. Ces plaintes jugées recevables eu égard aux preuves fournies, n’ont donné lieu à aucune enquête sérieuse à l’effet de connaître la vérité.

Silence des autorités algériennes et tunisiennes

Malgré le nombre impressionnant de clandestins algériens détenus en Tunisie depuis plusieurs années, les autorités algériennes et tunisiennes restent silencieuses. Les disparitions mystérieuses demeurent non élucidées, malgré les témoignages des compagnons de harraga.

L'exemple le plus édifiant est celui des 14 harraga ayant embarqué depuis Annaba le 29 janvier 2016. Leur pirogue ayant subi une panne aux limites frontalières algéro-tunisiennes, « cinq parmi ses occupants échouent du côté algérien et sont aussitôt pris en charge par les gardes-côtes. Alors que huit autres, âgés entre 17 et 30 ans, sortent de l’eau à quelques dizaines de mètres plus loin, en Tunisie. A ce jour, leur sort reste inconnu. Pourtant, leurs compagnons certifient formellement qu’ils les ont vus mettre les pieds à terre », selon le journal Liberté.

Le député de la wilaya de Boumerdes, Rekkas Djemaâ, s'est rendu en Tunisie à la demande des familles de certains disparus. Mais il est revenu bredouille, confronté au silence des autorités tunisiennes. « J’ai frappé à toutes les portes ; au Parlement, au ministère de la Justice, à la direction générale des établissements pénitentiaires. Je suis allé même aux prisons de Nador, Kef et El Mornaguia, mais personne ne voulait me recevoir », déplore-t-il. Il conclut que « la loi et les traités internationaux obligent les autorités tunisiennes à communiquer à notre consulat toutes les informations sur les ressortissants algériens arrêtés sur son sol. Le consul doit pour sa part assister les détenus, leur rendre visite et informer leurs proches. Or, cela n’a jamais été appliqué dans les faits ».

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