Crash d'Air Algérie à Tamanrasset - 20 ans plus tard

Boeing 737-2 7T-VEZ, Vol Air Algérie 6289

Le 6 mars 2003, un avion de la compagnie Air Algérie s'écrasait dans la région de Tamanrasset, dans le Sahara. À bord se trouvaient 103 âmes, dont 6 membres d'équipage, quasiment toutes perdues dans cet accident tragique. Parmi eux, la première femme pilote algérienne : Fatima Yousfi. 20 ans plus tard, nous revenons dans cet article sur les circonstances de son accident, les facteurs qui ont contribué à celui-ci et les conclusions qui en ont été tirées.

Fatima Yousfi : la première femme pilote algérienne

Née en janvier 1959 à Oran, Fatima Yousfi commence sa carrière de pilote assez tardivement, dans les années 1990, et devient la première femme pilote de ligne algérienne, une réalisation remarquable pour une femme dans une industrie largement dominée par les hommes. Aucune autre information ne sera mise à disposition du public.

En effet, la vie et le parcours de Fatima Yousfi semblent avoir été enterrés par le temps et le machisme de la société algérienne. Aucune rue ne sera baptisée à son nom, aucun hommage ne lui sera rendu. Et sur le site d'Air Algérie, on ne retrouve aucune trace de son existence. Une page avec sa biographie aurait pourtant été de mise. L'écoute de l'enregistreur du vol 6289 vous fera quand même miroiter une femme professionnelle et sérieuse.

Fatima Yousfi, copilote sur le vol Air Algérie DAH 6289
Fatima Yousfi, copilote sur le vol Air Algérie DAH 6289

Crash d'un avion d'Air Algérie en 2003, ou comment Air Algérie a perdu sa première femme pilote

Le 6 mars 2003, le vol 6289 reliait Tamanrasset à Alger avec une escale à Ghardaïa, dans le centre du pays. À bord du Boeing 737-200, presque une « relique du passé », on pouvait compter 97 passagers et 6 membres d'équipage. Le premier officier Fatima Yousfi était le pilote aux commandes, aux côtés du commandant de bord Boualem Benaouicha. Le B737 a décollé à 15:13 (heure algérienne), mais peu après le décollage, l'un des moteurs a explosé.

L'avion a continué à monter, mais sa vitesse a chuté de manière significative, ce qui l'a fait décrocher et s'écraser en bout de piste à 15:15. L'avion a heurté le sol avec son côté droit et a pris feu, tuant 102 personnes à bord. Les occupants du cockpit, dont le commandant de bord, la copilote et l'accompagnateur en chef, ont été tués par l'impact, tandis que les autres occupants ont été tués par l'explosion massive provoquée par l'accident.

L'accident du vol Air Algérie 6289 n'a laissé qu'un seul survivant ; un soldat algérien âgé de 28 ans qui était assis dans la dernière rangée et dont la ceinture de sécurité n'était pas attachée. Il a été éjecté de l'avion au moment de l'impact, mais il a repris connaissance le lendemain. Selon les médecins, ses blessures n'ont pas mis sa vie en danger.

DAH 6289 : Crise de confiance chez Air Algérie

Le 6 mars 2003, le Boeing 737-200 d'Air Algérie immatriculé 7T-VEZ se prépare à décoller de l'aéroport de Tamanrasset (DAAT). Dans le cockpit, le commandant de bord Boualem Benaouicha, âgé de 48 ans et avec 10'760 h de vol à son actif. À sa droite : Fatima Yousfi, une femme pilote, avec 5219 h de vol.

Durant le taxi, moment où l'avion rejoint la piste de décollage, madame Yousfi tentera de faire son travail en briefant le commandant de bord quant aux panes moteur qui pourraient survenir au décollage. Une opération routinière. Tellement routinière que ce commandant, qui était même censé transporter le président de la République algérienne 2 jours plus tard, préfère ne plus l'entendre. Il préférera s'appuyer sur sa mémoire et son expérience.

Photo des deux pilotes du vol DAH 6289. À gauche : Fatima Yousfi. À droite : Boualem Benaouicha.
Photo des deux pilotes du vol DAH 6289. À gauche : Fatima Yousfi. À droite : Boualem Benaouicha.

L'avion décollera de la piste 02 (plein nord), située à plus de 4500 pieds d'altitude (1377 m), avec une température de 36 °C et à une tonne de la pleine charge. La copilote était aux commandes pendant le décollage et a réussi à atteindre un taux de montée positif. Cependant, au moment où elle demandait au commandant de bord de rentrer le train d'atterrissage, un grand bruit s'est fait entendre. Une explosion a retenti au niveau du moteur gauche – des débris de ce dernier seront ensuite retrouvés sur la piste.

Amine Mecifi, expert en sécurité aérienne d'origine oranaise, décrira dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube les moments qui ont précédé le crash. Il mettra notamment en évidence cette erreur fatale commise par le commandant de bord. En effet, au moment où l'explosion retentit, le commandant de bord a pris les commandes de l'avion à la place de sa copilote.

Monsieur Benaouicha se retrouvera dans une boucle dont il n'a pas toutes les données. Le rapport de la commission d'enquête dépêchée par le ministère algérien des Transports a d'ailleurs identifié cette erreur comme un facteur causal de l'accident1.

Fatima Yousfi, à qui on a intimé de ne plus toucher aux commandes, se contentera d'appeler la tour de contrôle pour signaler le problème. Quelques secondes plus tard, l'avion s'écrase en bout de piste, glisse sur des dizaines de mètres, défonce la barrière de l'aéroport et franchit une route avant de s'immobiliser en feu. Des pompiers seront dépêchés sur place et l'alarme sera donnée.

Vol Air Algérie 6289 : Facteurs de crash et conclusions

Le crash du vol 6289 d'Air Algérie a été causé par de multiples facteurs, notamment une panne de moteur au décollage, la masse maximale de l'avion au décollage, l'altitude et la température élevées de l'aéroport. Cependant, le facteur le plus important a été l'incapacité de l'équipage à gérer correctement la situation d'urgence.

Avant le décollage, l'équipage n'a pas effectué le briefing qui mettait l'accent sur le rôle de chaque membre de l'équipage et sur les procédures à suivre en cas d'urgence et surtout en cas de panne d'un moteur. Selon le rapport du ministère algérien des Transports, « la préparation sommaire du vol qui n’a pas permis à l’équipage de se mettre dans les conditions d’être à même de faire face à une situation survenue à un moment critique du vol ».

En outre, le commandant de bord a eu des conversations non liées au vol avec le chef des agents de bord pendant des phases critiques, ce qui constitue une violation de la règle du cockpit stérile. Le rapport affirmera que « le chef de cabine s’est entretenu à diverses reprises avec le commandant de bord lors de la préparation du vol et du roulage ».

Lors de la panne du moteur, monsieur Boualem Benaouicha a immédiatement pris les commandes à la place de Fatima Yousfi, ce qui a entraîné une confusion des rôles et des responsabilités. Le train d'atterrissage n'a alors pas été rentré comme il se devait et le taux de montée a été gardé anormalement haut. Le manque de communication de l'équipage et le non-respect des procédures d'urgence ont finalement conduit au décrochage et au crash de l'avion.

Amine Mecifi soulignera aussi les défis auxquels Fatima Yousfi a dû faire face en tant que femme pilote dans un secteur dominé par les hommes, et comment il lui a fallu du temps pour se faire une place et une réputation. Le fait qu'elle ait été la première femme pilote à Air Algérie met en lumière les attitudes de la société à l'égard des femmes dans l'Algérie de l'époque. Il mentionne également qu'il n'a jamais « vu de femme conduire un bus ou un taxi en Algérie », ce qui souligne les barrières sociétales auxquelles les femmes sont confrontées dans le pays.

Vidéo : Crise de confiance à Tamenrasset


  1. [PDF] Rapport sur l’accident survenu le 6 mars 2003 à Tamanrasset au Boeing 737-200 immatriculé 7T-VEZ exploité par Air Algérie, BEA 

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