« Algérie, mon amour », le nouveau film documentaire diffusé dans la soirée de mardi 26 mai sur France 5, a provoqué un tollé en Algérie. L’approche du réalisateur Mustapha Kessous, qui consistait à réduire la révolte populaire à sa seule dimension socioculturelle, est perçue par une grande partie des internautes, comme une « diversion » qui ignore les motivations profondes du Hirak algérien.
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Le film documentaire « Algérie, Mon Amour » consacré par la chaîne française à la révolution citoyenne du 22 février, suscite de nombreuses critiques. Pour certains de la « déception ». Les réactions qui ont suivi la diffusion de ce long métrage sont loin de lui réserver une bonne appréciation du public algérien.
En effet, le réalisateur français d’origine algérienne, Mustapha Kessous a préféré focaliser son œuvre à la dimension purement sociétale du Hirak. Ignorant par la même, les motivations profondes de la jeunesse qui est au cœur de la révolte populaire. Étant dit que les frustrations et les désillusions de la jeunesse algérienne étouffée par les tabous socioculturels soient parmi les raisons qui ont poussé les Algériens à la révolte.
Voyez-vous cette femme ?
Son fils a été kidnappé pendant la décennie noire alors qu'il n'avait que 16 ans, depuis elle n'a aucune nouvelles sur lui.
Je ne pense pas qu'elle soit sorti pour avoir plus de liberté sexuelle, ou bien boire de la bière en public ...#AlgerieMonAmour pic.twitter.com/JvA1eFH5wO— Kawther ❣ (@hesalert) May 26, 2020
« Sur le fond, le réalisateur a fait un choix de diffuser certaines images sur la jeunesse et ses attentes, et pour dire vrai, elles sont loin de constituer les motivations premières de la jeunesse qui est au cœur de la contestation populaire. Cela a donné un biais au film d'autant que notre société est toujours fermée à aborder certains sujets tabous », écrit le militant Hamou Boumediene.
Dans ce long-métrage, le réalisateur part à la rencontre de cinq jeunes Algériens. Mehdi, un ingénieur civil à Oran, Anis, un étudiant en informatique à Alger, Athmane, un avocat à Tizi Ouzou, Hania, une technicienne de cinéma et de Sonia, une psychiatre à Tizi Ouzou. Tous ont entre 20 et 30 ans et n’ont connu qu’un seul président depuis leur naissance, Abdelaziz Bouteflika.
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Un documentaire en déphasage avec l’âme du Hirak
Les témoignages de ces acteurs, intéressants soient-ils, sont loin de représenter l’âme du mouvement populaire. « 54 semaines de manifestation, de sacrifice, de pacifisme, de solidarité et de lutte. Aucune des revendications fondamentales du Hirak n'a hélas intéressé le réalisateur de France 5, préférant se focaliser sur le "libertinage" audiovisuel. Les mœurs et la vie personnelle des gens ne nous intéressent point », déplore le journaliste Kouceila Rekik.
« Le documentaire "Algérie Mon Amour", est pour moi "élitiste", tout le contraire de notre révolution : populaire, festive, passionnée et très très algérienne. C'est un documentaire destiné aux Occidentaux, français en particulier, », regrette un autre internaute.
Pour de nombreux internautes algériens, ce long métrage aurait pu être diffusé dans un cadre purement social pour parler des frustrations de la jeunesse à vivre sa liberté. Sans prétendre toutefois, raconter une année du Hirak véhiculaire des revendications politiques légitimes porteuses d’une immense vague d’espoir de tout un peuple.
Une jeunesse qui a soif de démocratie et de liberté. 💚
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— France 5 (@France5tv) May 26, 2020
« C'était vraiment décevant, très réducteur, les Algériens demandent la liberté dans toute sa dimension, pas uniquement pour boire de l'alcool !?, c'est vraiment donner l'occasion aux islamistes de rebondir et d'exploiter ça. Les vraies revendications n'y figurent pas ! Les vrais opposants n'ont pas été montrés (les vrais activistes emprisonnés), c'était bien orienté et ficelé, » s’insurge Ahcene. B. Ce dernier estime qu’ « il y a comme un sentiment de complaisance entre les deux régimes (français et algérien) pour mieux torpiller [notre] chère révolution ».
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L’urgence d’une production algérienne pour raconter une réalité algérienne
L’un des rares militants interviewés dans ce documentaire, Hamou Boumediene estime que « ce qui est essentiel à retenir, c'est notre incapacité à produire notre propre image et traduire par nous-même les images que nous considérons à même de traduire notre réalité, nos aspirations. C'est un peu comme, l'histoire, si nous sommes incapables de l'écrire par nous-mêmes, nous resterons bien obligés de subir ce qu'écrivent les autres sur nous. Donc l'urgent est d'engager nos cinéastes et nos producteurs à réaliser les films documentaires qui parlent de nous et pour nous. »
Akram Belkaid, écrivain et journaliste au Monde diplomatique souligne qu’ « un documentaire ne peut tout raconter, tout expliquer. C'est un point de vue. Une contribution à l'histoire immédiate. Calmez-vous les gars, demandez-vous pourquoi ce qui est diffusé en France vous semble si vital. Avec ce documentaire, nous avons des voix réelles ».
Un documentaire ne peut tout raconter, tout expliquer. C'est un pt de vue. Une contribution à l'histoire immédiate. Calmez-vous les gars, demandez vous pourquoi ce qui est diffusé en France vous semble si vital. Avec ce doc, nous avons des voix réelles. Merci à @MustaphaKessous
— akram belkaïd (@akrambelkaid) May 26, 2020
Pour le blogueur Abdellah Ould Ahmed « il ne faut pas condamner ces jeunes sous prétexte d'avoir exprimé des opinions non conformes aux normes de la majorité. Certes, ils n’ont pas encore atteint la maturité politique et sociale pour exprimer les revendications et idéaux des Algériens. Toutefois, leurs témoignages s'inscrivent pleinement dans les libertés individuelles et collectives à savoir : la liberté d'expression et d'opinion, liberté de conscience et de culte ».