Algérie-France : « Les relations entre les deux pays n'ont jamais pu être stabilisées »

Montage : Michel Raimbaud sur fond des drapeaux Algérie et France

L'ancien diplomate français et conférencier en relations internationales Michel Raimbaud est revenu sur les relations algéro-françaises dans une interview accordée au journal Le Quotidien d'Oran et parue ce lundi 8 juin. L'ambassadeur à la retraite a affirmé que les relations entre les deux pays n'ont jamais pu être stabilisées.

Michel Raimbaud souligne que « près de soixante ans après l'indépendance, les relations entre l'Algérie et la France restent particulièrement intenses. Passionnelles pour ne pas dire volcaniques, elles n'ont jamais pu être stabilisées ». Il affirme qu'« envisager la normalisation impliquerait que l'on veuille bien de part et d'autre tourner la page sur une histoire commune tourmentée ».

L'ancien diplomate a mis le point sur le manque de volonté des deux côtés de la Méditerranée à dépasser les démons du passé. Il indique : « Beaucoup n'y semblent encore pas prêts, préférant ressasser leurs griefs ou leurs obsessions plutôt que d'aborder l'avenir avec modestie, mais dans un esprit constructif ».

Michel Raimbaud ajoute que « créer un climat de confiance implique de renoncer de part et d'autre aux conditions préalables et aux surenchères. S'agissant du caractère passionnel des relations entre les deux pays, il est le résultat d'une histoire commune de 130 ans, entre une colonisation et une guerre de libération qui s'est soldée par un nombre élevé de victimes, laissant derrière elle une rancœur et un désir de revanche peu propices à une véritable réconciliation ».

Les relations bilatérales ne sont pas seulement de nature politique

L'ancien diplomate français affirme dans son analyse que les relations bilatérales actuelles ne sont pas seulement de nature politique, diplomatiques et économiques. Elles intègrent, selon lui, une dimension culturelle importante. C'est en quelque sorte la « trace » de la France sur l'Algérie et son caractère passionnel est exacerbé par l'importance des communautés issues d'une façon ou d'une autre de la colonisation ou de la décolonisation. Il explique que « si la présence des Français en Algérie a fondu à l'indépendance, ce n'est pas sans laisser un impact profond qui se fait sentir jusqu'à présent ».

Toujours sur les rapports entre l'Algérie et la France, Michel Raimbaud souligne qu'« en France, une partie de la population est sensible pour des raisons diverses à la qualité et à la nature du rapport global entre les deux pays. 5 à 6 millions de personnes sont concernées : 1 million de Français rapatriés, Juifs d'Algérie, ex-coopérants, harkis et leurs familles, 1,5 million de soldats français ayant combattu en Algérie, 1 million d'immigrés algériens et leurs familles, mariages mixtes et descendance, binationaux... ».

Des relations tellement fragiles qu'un simple travail journalistique risque de provoquer leur rupture

Quant à la fragilité des relations entre la France et l’Algérie, qui traversent des périodes de crise pour des faits banals, tels qu'un travail journalistique, Michel Raimbaud explique que « si les relations entre la France et l'Algérie sont "fragiles au point qu'un simple travail de journaliste risque de provoquer leur rupture", c'est que cet impact inspire toujours les médias des deux rives ».

L'ancien ambassadeur souligne que cette fragilité relève aussi du manque de travail de fond des diplomates qui « ont pour métier d'élaborer les politiques étrangères et de gérer en conséquence les relations entre les Etats. Or, la normalisation des relations entre deux Etats n'est pas une affaire à traiter par les médias, impatients par nature puisqu'ils doivent informer d'abord de l'actualité ». L'ancien diplomate conclut que « la normalisation est une longue patience, c'est un travail de diplomates ».

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