La présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, s'en est récemment prise à l'Algérie et à ses dirigeants qu'elle a accusé d'instrumentaliser le passé colonial de la France. La cheffe de file du courant d'extrême droite avait écrit, dans un tweet daté du 6 juillet dernier, que "les dirigeants algériens demandent des excuses pour le passé afin de masquer le présent (...). Il est temps qu'ils regardent en face le résultat de 60 ans d'indépendance". Alors Marine Le Pen avait-elle raison dans son affirmation ? Pas tout à fait. Avait-elle tort ? Pas tout à fait non plus. Pour comprendre cette attaque de la politicienne française, il est en effet utile d'en savoir un peu plus sur son parti.
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En 1972, dix ans après l'indépendance de l'Algérie, est créé le Front National (FN) en France. Jean-Marie Le Pen, qui n'est autre que le père de Marine Le Pen, préside alors ce parti d'extrême droite. Le père de l'actuelle présidente du RN était d'ailleurs engagé dans l'armée française au cours de la guerre d'Algérie, et a fait l'objet à plusieurs reprises d'accusations de torture au cours de ce conflit. En plus de Jean-Marie Le Pen, le parti d'extrême-droite compte également dans ses rangs des personnalités telles que George Bidault, ancien membre de l'OAS, ou encore Pierre Bousquet, ancien nazi membre de la tristement célèbre Waffen SS.
Opposition à l'immigration
À partir des années 1980, le Front National fait des questions historiques et de l'opposition à l'immigration les principales lignes de sa politique. Pendant sa campagne électorale pour le scrutin présidentiel de 1995, Jean-Marie Le Pen propose ainsi d'arrêter toute immigration vers la France. Une position qu'il réitérera en 2002 et en 2007 avant que le parti ne change de stratégie en 2012.
À cette date, le FN ne demande plus l'arrêt de l'immigration mais la limitation du nombre d'entrées annuelles en France à 10 000. Lors de sa campagne électorale en 2017, la présidente du parti Marine Le Pen propose dans son programme certains points devant aider à lutter contre l'immigration. Parmi ceux-ci figurent notamment la suppression de la double nationalité pour les ressortissants des pays hors Union européenne (UE), la suppression du droit de sol ou encore l'impossibilité de régularisation pour les étrangers se trouvant en France en situation irrégulière.
En plus des questions de l'immigration, ce parti porte un regard sur l'histoire qui est différent de la vision officielle et souvent sujet à débats. Ainsi, en ce qui concerne par exemple la guerre d'Algérie, l'actuel Rassemblement National évoque souvent ce qu'il qualifie de crimes du FLN contre les populations civiles européennes, et occulte l'action de l'armée française qui a pourtant fait beaucoup de victimes chez les populations civiles musulmanes.
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Maintenant que nous avons un bref aperçu de l'historique et de l'idéologie du Rassemblement National, jetons un regard de l'autre côté de la Méditerranée et parlons de la politique que mènent les dirigeants algériens depuis l'indépendance.
Le FLN, l'Algérie et la France
Depuis 1962, l'Algérie est gouvernée par le FLN qui avait déclenché la guerre d'indépendance en 1954. Les dirigeants algériens sont, pour la plupart, d'anciens combattants de cette même guerre d'indépendance qu'ils évoquent souvent comme une source de légitimité pour leur pouvoir. Concernant les relations avec la France, elles sont ponctuées de périodes de tension du fait du passé colonial de ce pays auquel l'Algérie demande des excuses officielles.
Cette question de mémoire commune connaît d'ailleurs un certain regain d'intérêt à partir de 2017, époque à laquelle l'actuel président français Emmanuel Macron avait qualifié la colonisation de "crime contre l'humanité". Il mènera même des tentatives de "réconciliation" successivement avec les présidents Abdelaziz Bouteflika et Abdelmadjid Tebboune. Sur le plan interne, le pouvoir algérien entretient un discours ultra-nationaliste avec pour fond de toile la guerre d'indépendance et les actions héroïques des acteurs de celle-ci. Tout comme le Rassemblement National en France, les dirigeants algériens évoquent souvent les crimes de la France coloniale à l'encontre des populations civiles algériennes, tout en passant sous silence les éventuelles erreurs que le FLN aurait pu commettre pendant la guerre.
Conclusion
En conclusion, ni l'extrême-droite représentée par Marine Le Pen, ni les dirigeants algériens n'ont tout à fait raison ou tout à fait tort. La guerre d'Algérie, qui est à l'origine des principales différences entre les deux parties, est à l'image de tous les conflits armés lors desquels rien ne peut être tout blanc ou tout noir, et où il faut nuancer les événements. Le FLN algérien, notamment celui de l'après-indépendance, peut, pour sa part, être placé à l'extrême droite de l'échiquier politique compte tenu de son discours fortement nationaliste qui ne diffère pas vraiment de celui prôné en France par Marine Le Pen et le Rassemblement National.
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