Après les incendies en Kabylie les enfants suivent des ateliers d'Art-thérapie

Les milliers d’enfants victimes des incendies à travers le pays, plus particulièrement dans la région de la Kabylie, ont besoin d’une aide psychologique urgente. Cette initiative pensée et mise en place par des artistes et des psychologues, ainsi que des professionnels de la santé, s’est concrétisée dans un premier atelier à Icheriden.

L’artiste sculpteur, M. Abdelghani Chebouche, un des initiateurs du projet, nous explique qu’il s’agit d’abord et avant tout d’apporter une aide psychologique aux enfants témoins de la catastrophe aussi bien sur le plan environnemental, social que sociétale. Le but de l’opération est d’« exorciser les traumatismes causés par les incendies de forêt et reconstruire à nouveau les régions sinistrées ».

Comment l’art peut-il rejoindre la psychologie ?

Un seul homme pour y répondre : M. Kader Aït Mouheb, chercheur et enseignant de la psychanalyse de l’art, à l’École supérieure des Beaux-Arts d’Alger, met tout son savoir-faire et son expérience au service des membres de l’association. « Les amis de l’arbre » et de bénévoles venus prêter main forte.

Le professeur est formé dans les domaines de l’art plastique, esthétique, psychologie et science de l’art. Pour sa thèse de recherche, il avait choisi le thème : La dialectique de la forme dans un monde psychologique. Puis, il rejoint le centre d’études et d’expression Ste Anne à Paris, pour une formation complémentaire en art thérapie.

Le professeur explique que des liens très étroits entre la pratique analytique et le faire artistique existent. « Pour revenir à l’opération menée sur le terrain en Kabylie, un collectif composé de psychologues et d’artistes bénévoles (que nous avons initiées à la prise en charge thérapeutique par l’art et au post- trauma) a été mis en place pour prendre en charge des enfants qui, à mon sens, sont plus vulnérables ».

Il explique également que « des espaces de dessin et de modelage ont été mis en place, leurs particularités, est de réintroduire dans la zone de plaisir, tout ce que le monde nous offre d’inquiétant voire de déplaisant. L’objectif de cette initiative, où sont associés plusieurs partenaires et associations, est une prise en charge effective de personnes ciblées pour leurs vulnérabilités, les enfants en premier. Le but est de les aider au mieux, à appréhender leurs traumatismes […] dédramatiser l’évènement et montrer que la peur peut être partagée. Plus l’assistance est rapide, organisée, efficace, plus elle permet la reconstitution des liens sociaux du fait de « l’illusion de centralité » pour reprendre le Pr Tidjiza, psychiatre. »

Formations et ateliers d'art-thérapie à Icherdien, village touché par les incendies

La première journée de formation, chapeautée par des art-thérapeutes, s’est tenue le 4 septembre, dans une grande salle mise à la disposition du collectif par la directrice du collège de Tizi Rached, Mme Hanet. L’association les amis de l’arbre, créé en 2002, dont la moyenne d’âge de ses membres est de 25 ans et majoritairement composée de femmes, a vu cinq de ses adhérents et huit bénévoles en bénéficier.

Le premier atelier a mis des couleurs entre les mains des enfants du village Icheriden. Un village qui en deçà des dégâts considérables sur la faune, la flore et les biens matériels, a compté cinq morts.

Le secrétaire général de l’association Les amis de l’arbre, M. Kamel Radi, explique que « les art-thérapeutes ont gagné la confiance des enfants dès les premières minutes du premier atelier. Des liens se sont tissés avec les enfants dans une ambiance formidable, s’en est alors suivi le premier atelier où les enfants ont exprimé leurs émotions par rapport au drame qu’ils ont vécu sous l’œil attentif des psychologues. Quant au second atelier, les enfants étaient libres de dessiner ce qu’ils voulaient, mais au troisième et quatrième atelier, ils ont eu accès à l’argile et ont modelé des arbres, des maisons qu’ils ont gardés en souvenir. »

Incendies en Kabylie : Les enfants se remettent du drame

Quatre autres ateliers se sont tenus entre le 5 et le 8 septembre, à raison d’un atelier par jour où quarante enfants ont bénéficié de cette approche art-thérapeutique. Malgré toutes les contraintes du terrain, des améliorations ont été constatées chez la plupart des enfants. Au fur et à mesure, dans chaque atelier, les besoins de chaque enfant en suivi psychologique, à moyen et long terme, ont été cernés.

Chebouche confirme qu’un premier bilan est en cours de finalisation par l’équipe d’art-thérapeutes qui accompagne cette initiative de bout en bout. « Il est urgent de faire bénéficier tous les villages de toutes les régions touchées par les incendies. Cette approche donne de meilleurs résultats que toutes autres méthodes classiques de thérapie. Le traumatisme est profond et risque de le rester à vie, s’il n’est pas extériorisé à temps. Des générations en payeront le prix, comme fut le cas pour celle de la décennie noire. »

Pour assurer la continuité de ces ateliers à travers les centaines de villages en Kabylie et les autres wilayas touchées par les feux criminels, les art-thérapeutes ont besoin de matériel de transport et de trousseaux scolaires, cartables et chaussures, ainsi que des vêtements. Pour les dons, l’association les amis de l’arbre a mis deux numéros de téléphone au service des donateurs : M. Chebouche : +213 553 480 916 et M. Kaoudji : +213 696 102 905.

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