France : Les dessous du trafic de rendez-vous pour les titres de séjour

En France, décrocher un rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour est une tâche très difficile. Ils sont des milliers d'étrangers demandeurs de ce fameux document à vivre le calvaire pour obtenir un rendez-vous. La procédure tout numérique adoptée par l'administration pour demander ou renouveler ces titres leur mène la vie dure. Cette situation est favorable à tout genre de trafic. En effet, des intermédiaires vendent ces rendez-vous sur internet.

Cette situation a alerté certains médias qui se sont intéressés au sujet et réalisé des enquêtes. Franceinfo révèle que ce trafic s'est généralisé. Une Iranienne nommée Maryam Taheri s'est confiée à l'émission L’Oeil du 20 heures. Âgée de 33 ans et arrivée en France en 2020 pour poursuivre des études, cette jeune femme peine à renouveler son titre de séjour. Maryam Taheri ne parvient toujours pas à obtenir un rendez-vous sur le site de la préfecture pour renouveler le fameux document. Elle raconte : « je mets mon nom et mon numéro de titre de séjour, et voilà, le site dit « nous ne sommes pas en mesure de traiter votre demande ».

La jeune iranienne vit ce calvaire depuis trois mois, et faute de rendez-vous, elle est en situation irrégulière. Une situation qui met la jeune femme dans des conditions précaires, surtout qu'elle risque de perdre son travail.

Comme Maryam Taheri, ils sont nombreux les étrangers qui vivent ce calvaire. Ils subissent non seulement la bureaucratie française, mais aussi les dictats de ceux qui ont trouvé cette brèche et l'exploitent en s'adonnant à un trafic de rendez-vous de grande ampleur. Ces escrocs proposent de vendre des créneaux illégalement. Des dizaines voire des centaines d’annonces sont publiées sur internet.

Des rendez-vous pour renouveler son titre de séjour vendus à 100 euros

Le journal français entreprend donc de rentrer en contact avec l'un des « fournisseurs » de rendez-vous sur internet. Cet individu assure au journal qu'il détient plusieurs créneaux à travers toute la France. Il affirme utiliser un logiciel qui l’avertit dès qu’un rendez-vous est disponible. Les rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour ou son renouvellement existent donc. « Je réserve beaucoup de rendez-vous, dans beaucoup de préfectures. Je peux faire ça à 500 ou 1000 € car en France tu ne peux rien faire sans ce rendez-vous. Je peux gagner 2000 à 3000 € par mois », raconte ce « fournisseur ».

Ce n'est pas une révélation. Même le Sénat français s'est intéressé à la question. En mai dernier, les sénateurs ont alerté dans un rapport sur l'existence d'un véritable « commerce parallèle ». « La rareté des créneaux offerts a suscité l’apparition d’un phénomène inédit et massif de revente sur internet des rendez-vous en préfectures, constitutif d’un véritable trafic », avait donc révélé le rapport du Sénat. Devant cette situation, le ministère français de l'Intérieur affirme déjouer au quotidien de nombreuses tentatives de fraude.

« Près de 170 millions de connexions illicites ou malveillantes ont pu être identifiées et déjouées depuis 2020 par des dispositifs techniques. Ils ne permettent pas en revanche de lutter contre une fraude manuelle (...) visant à préempter des rendez-vous puis à les monnayer », indique ce ministère, qui précise que chaque tentative de fraude constatée par les préfectures fait l’objet d’un dépôt de plainte systématique.

Les étrangers payent les frais de la bureaucratie française

Cependant, ce trafic est là, les étrangers payent le prix fort de cette bureaucratie française. En effet, la France reste l'un des pays où la bureaucratie est toujours présente. Le pays a d'ailleurs été récemment épinglé pour ses lourdeurs administratives. C'est le pays où les formalités pour les étrangers, tous les étrangers, sont les plus lourdes et les plus complexes. Elle est au même niveau que le Japon, qui est un pays qui ne reçoit presque pas d'étrangers.

En France, pour régulariser sa situation un étranger doit impérativement passer par la préfecture. Pour y arriver, il doit avoir un rendez-vous et c'est là que le parcours du combattant commence. Pour ces étrangers, la perspective du rendez-vous en Préfecture est toujours angoissante. Ainsi, même si le temps des longues queues dans les préfectures est révolu depuis que des systèmes de prise de rendez-vous ont été mis en place, la situation ne s'est pas vraiment améliorée. Des changements ont été apportés et la prise de rendez-vous en préfecture est obligatoire et se fait par courrier, par téléphone ou en ligne, immédiatement. Cependant, ces nouveaux moyens ne facilitent la chose qu'en théorie.

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