Plus de soixante ans après les faits, le dossier des essais nucléaires français en Algérie n'est pas encore clos. En effet, même si officiellement, la France reconnaît ses méfaits dans ce dossier, concrètement le chemin est encore long, notamment pour les travaux de réhabilitation des sites où les essais nucléaires ont eu lieu et pour l'indemnisation des victimes.
Ainsi, plusieurs mois après les déclarations du chef de l'état-major particulier du président français, Emmanuel Macron qui s'est exprimé sur le dossier lors de sa visite en octobre 2022 en Algérie, rien de palpable n'a été réalisé. « Il y a une équipe de travail secrète mise en place dès 2008 avec l'accord des présidents des deux pays. Le travail de l'équipe s'est effectué en secret et n'a été rendu public que l'année passée. Le travail de cette équipe a été gelé entre 2016 et 2019, après elle a repris son travail avec une bonne cadence. Si elle continue sur ce rythme, nous avons l'espoir du début de la réhabilitation de ces sites », avait-il déclaré.
Concernant les indemnisations, il ajoutera : « tout le monde a les mêmes droits. Le problème réside dans l'arrivée aux informations. Les Algériens qui considèrent qu'ils sont victimes de ces essais nucléaires peuvent déposer leurs dossiers d'indemnisation. Ils doivent être soutenus pour constituer leurs dossiers selon les mesures concernant les sites d'essais nucléaires en Algérie bien sûr ».
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Que s'est-il passé après cette déclaration sur les essais nucléaires français en Algérie ?
Concrètement rien. Les travaux de réhabilitation des sites n'ont pas été effectués et les victimes pas encore indemnisés. Pire encore, le tribunal de Strasbourg a rejeté, vendredi 10 novembre, les demandes d’indemnisation de proches de victimes de ces essais nucléaires. Le tribunal a estimé que le délai de prescription était dépassé. Le tribunal administratif de Strasbourg a donc tranché. Il a rendu son verdict dans le procès intenté par trois veuves et leurs enfants qui réclamaient la reconnaissance de leurs préjudices propres après le décès de conjoints atteints de cancer à la suite de l’exposition aux rayonnements ionisants causés par les essais nucléaires français.
Le tribunal justifie sa décision par la prescription. Il a mis en évidence le fait que le dispositif spécifique de la loi Morin (loi qui régit les indemnisations des maladies liées aux essais nucléaires) de 2010 n’intègre pas les proches des victimes. Toutefois, les familles ne lâchent pas prise. Cécile Labrunie, l'avocate de ces familles, a déclaré que « c’est une décision incompréhensible pour les familles. Pour nous, le point de départ de la prescription, c’est le moment où ces familles avaient finalement obtenu l’offre d’indemnisation en tant qu’ayants droit, et donc la reconnaissance pour leur proche d’un statut de victimes des rayonnements. ».
Elle a également estimé que « le combat ne fait que commencer. Il y a une discussion sur le point de départ de la prescription que nous porterons en appel. Le ministère des Armées ne pourra pas toujours se retrancher derrière des questions de recevabilité pour se dédouaner de sa responsabilité ».