Dans cette conjoncture de tiraillements entre différents courants du Hirak, Saïd Sadi s'est exprimé dans une contribution publiée sur son mur Facebook, ce mardi 16 mars. L’ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie estime que cette révolte populaire est arrivée à un virage qui doit être bien négocié par l'aile qui représente le courant démocratique.
Saïd Sadi est revenu sur les derniers événements qu'ont connus le Hirak. Il a estimé qu'« il est important de bien analyser les dernières violences ayant marqué les manifestations publiques en Algérie et en émigration, car elles sont le signe d’une vraie bascule depuis février 2019 ». Il considère qu'il « ne faut ni surdramatiser ni sous-estimer les provocations synchrones et répétées de la semaine passée. La convergence de ces attaques ne relève pas du hasard ».
L'ancien président du RCD rappelle qu'« à Alger, des baltaguias, dont certains peuvent très bien avoir été manipulés par des officines de la police politique, s’en sont pris à des activistes démocrates, femmes ou journalistes, qui récusaient l’injonction d’un alignement du mouvement citoyen sur l’une ou l’autre des mâchoires de la tenaille militaro-islamiste. De leur côté, des affidés islamistes ont tenté de provoquer les militants démocrates à Bejaïa avant de partir à l’assaut des agoras progressistes à Paris ».
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Les islamistes menacent, affaiblissent et discréditent la révolution
Saïd Sadi explique que « tant que les islamistes criaient leurs slogans, exhibaient leurs pancartes ou portaient les posters de leurs leaders, la police politique n’a pas bougé. Pourquoi ? Il y a d’abord une raison tactique à cette complaisance. Plus l’islamisme est visible et menaçant, plus il discrédite et donc affaiblit une révolution qui doit sa vigueur et son attractivité populaire à une modernité incarnée essentiellement par les femmes et les jeunes ».
Il indique que « les dirigeants estimaient, à juste titre, que les Algériens ayant eu toute latitude de voir pendant les années 90 ce qu’intégrisme signifiait pour la vie personnelle et collective, ils ne pouvaient que s’éloigner, voire combattre un mutant qui promettait le contraire de ce qu’ils espéraient de leur soulèvement. Non seulement le pouvoir n’a pas empêché l’excitation islamiste mais il l’a discrètement encouragée ».
Saïd Sadi est catégorique. Il affirme que « le régime sait que le fondamentalisme est son assurance vie contre la démocratie. En Algérie comme ailleurs, l’islamisme a toujours sauvé le militarisme. Redisons-le ici, au début des années 90, le système FLN était exsangue. La violence islamiste fut sa bouée de sauvetage ».
« Rachad interdit d'évoquer les sujets non validés par ses parrains »
Saïd Sadi est revenu sur le rôle que joue le mouvement islamiste Rachad dans le Hirak. Il explique que « la cosmétique politique a volé en éclats sitôt les forces démocratiques redevenues visibles et actives. Pour Rachad, il est interdit d’évoquer des sujets non validés par ses parrains dès lors que ces derniers se sont drapés de la sacralité politique ».
Le Dr Sadi décortique les actions de ce mouvement. Il souligne que « l’agression de la Place de la République (à Paris, NDLR) avait pour seule et unique cause d’empêcher coûte que coûte l’accomplissement d’un acte politique majeur, voire fondateur : l’agora solidaire des sensibilités progressistes qui porte une parole libre. Le rassemblement des agoras modernistes de Paris devait avorter car son écho dans la diaspora et au pays pouvait avoir une résonnance auprès de la majorité citoyenne réfractaire autant au pouvoir qu’à l’intégrisme. Perspective inadmissible pour les deux tendances qui entendent réduire la scène politique nationale à une bipolarité mortifère ».
« Un mouvement citoyen s’est levé pour une Algérie libre et démocratique »
L'ancien président du RCD considère que le Hirak est « un mouvement citoyen s’est levé pour une Algérie libre et démocratique ». Il affirme que « la pollution islamiste vient de lui porter un coup sévère. Le réduire par la répression est une option retenue de longue date ». Saïd Sadi prédit qu'« à terme, ces deux manœuvres ajoutées à l’absence de visibilité politique crédible peuvent conduire à un essoufflement du mouvement. Il n’est pas dit qu’il y aura grand monde qui va gagner à cette extinction. A commencer par les apprentis sorciers ».
Pour le leader démocrate, « désormais, nul ne peut plus se voiler la face. Une union factice où l’un des membres interdit de débat, par la violence et par principe, ce qui ne lui agréé pas est un leurre. Un virage vient d’être pris cette semaine. Il s’agit de le négocier au mieux des ambitions originelles du mouvement. Pour le bien de la patrie ».