L’écrivain et chroniqueur Kamel Daoud a fustigé la position des démocrates concernant les élections législatives du mois de juin. Il a « plaidé » indirectement, dans sa chronique sur le journal Liberté de ce jeudi 1er avril, pour la participation à ces joutes électorales.
Connu pour ses positions politiques très critiques envers l’unanimisme ambiant, l'écrivain se positionne une nouvelle fois en porte-à-faux avec les positions des démocrates algériens. Kamel Daoud a décortiqué les options qui s'offrent à la classe politique dans cette chronique intitulée « L’appel au boycott et l’appel à la raison ».
L’écrivain affirme que « l’Algérie dite profonde a le sens de la mesure, des réalités, elle a l’illusion difficile. Contrairement à la capitale et à ceux qui y tournent en rond. Cette Algérie-là, poursuit-il, peu y vont, s’y assoient, y écoutent les silences et les prudences. Ce “Reste du pays” est pourtant le pays. Pas “les restes d’un pays” ». Il explique qu'il amorce ce débat « parce qu’aujourd’hui, une heure grave s’annonce. En juin, explique-t-il, des élections auront lieu. Elles décideront du futur Parlement qui va décider, à son tour, des lois de nos vies ».
Kamel Daoud s'interroge alors : « Faut-il y “aller” comme on dit et donner de la légitimité au pouvoir ? Ou “boycotter et croire que le pays va nous suivre ? Vieux débat algérien, selon lui, qui a enfanté du “soutien critique” d’autrefois et de l’opposition idéaliste et suicidaire d’aujourd’hui ». Il considère que les appels au boycott « dans la réalité, drainent peu de monde car le gisement des électeurs démocrates est pauvre, il n’a jamais été “travaillé” par les élites trop urbaines, peu soucieuses du “Reste du pays”, attentistes de la grande heure du basculement et inaptes au recrutement et à la négociation avec les réalités du “Reste du pays”. Le boycott y gagnera en noblesse, encore et encore, et y perdra en sens et en efficacité ».
« Le boycott est toujours du pain bénit pour les islamistes et autres populistes »
L’écrivain enfonce un peu plus le clou en affirmant qu'avec le boycott, « on y rafle du prestige pour les leaders boycotteurs, un moment de visibilité avant une éternité d’inefficacité. C’est la vieille stratégie du baroud d’honneur. C’est cela la réalité. Elle blesse l’ego, vous expose au procès en traîtrise et en verdicts de compromissions et vous déclasse du panthéon du cercle de plus en plus fermé de “démocrates” numériques ».
Selon Kamel Daoud, « l'autre vérité, encore plus amère, est que l’histoire en Algérie, en Égypte, en Tunisie a déjà démontré que le boycott est toujours du pain bénit pour les islamistes et autres populistes. Ils y gagnent du poids, à chaque tour, et l’abstention leur ouvre la possibilité de contrôler encore plus la législation et de s’offrir en partenaire réel au régime qui cherche un “bras social” après la mort clinique des partis de soutien des décennies passées. On l’a vu en 90, pour ceux qui veulent se souvenir ».
Plaidoirie pour une participation
Par ailleurs, l’écrivain a défendu à demi-mots la participation aux législatives. Il écrit : « Les prochaines élections seront, selon l’humble avis de l’auteur de ces lignes, décisives. Elles seront le virage qui décidera de ce pays, d’une manière ou d’une autre. Le grand projet islamiste y voit en cette grande occasion l’heure de l’avènement à la turque et attend avec impatience. Y seront élus les hommes de cette idéologie totalitaire. Peuvent-ils prétendre nous représenter ? Non. Mais ils vont représenter ceux qui ont voté et ils vont représenter nos démissions ». Cependant, il affirme que ces élections ne seront ni propres ni saines. « Non qu’il croie naïvement à la démocratie du pouvoir et à son repentir total, mais ce Régime qu’on accuse de tout sans autocritique sur nos faiblesses n’a plus les moyens de grandes fraudes et a besoin d’une assise, d’un nouveau deal de survie, d’un “partenaire”. L’appel d’offres est lancé en somme. Ceux qui le saisissent seront ceux qui savent faire de la politique, même si ce n’est pas la plus honnête », assène Kamel Daoud.