L'affaire de Zineb Redouane, cette algérienne tuée en 2018 à Marseille par une grenade lacrymogène tirée vers son balcon par un CRS lors d'une manifestation des Gilets Jaunes, n'a toujours pas révélé tous ses secrets. Près de 3 ans après le drame, France Inter révèle ce samedi 30 octobre une information qui risque de chambouler le dossier, qui n’est pas encore traité par la justice.
L'affaire remonte au 1er décembre 2018. La ressortissante algérienne, âgée alors de 80 ans, était en train de fermer les volets de son appartement lorsqu'une grenade lacrymogène tirée pendant une manifestation des Gilets Jaune l'a atteinte en plein visage.
L'Algérienne, Zineb Redouane, décède le jour suivant dans un hôpital marseillais. L'expertise médicale conclut alors à une mort « accidentelle » et à un « choc opératoire », rapportaient les médias français à l'époque des faits.
La famille de Zineb Redouane avait porté plainte en avril 2019, contre la police française pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », selon l'avocat de la famille, Maître Yacine Bouzrou.
L’auteur du tir de la grenade qui a tué l'Algérienne Zineb Redouane identifié 3 ans après le drame
À l'époque des faits, le procureur de Marseille, Xavier Tarabeux, avait confirmé l’existence de plots de grenades retrouvés à l'intérieur de l'appartement, mais il avait aussi insisté sur le fait que « le décès résulte d’un choc opératoire et non d’un choc facial », soulignant qu'à « ce stade (de l’enquête, NDLR), on ne peut pas établir de lien de cause à effet entre la blessure et le décès ».
Trois ans après le drame, alors qu'une information judiciaire est encore en cours, l'auteur du tir de grenade a été identifié par l'Inspection générale de la police nationale, dans un rapport administratif rendu cet été, a révélé ce 30 octobre 2021 France Inter.
Dans ses conclusions, selon plusieurs sources proches du dossier contactées par France Inter, l'Inspection générale de la police nationale estime que le tir à partir d'un lanceur Cougar était bien réglementaire sur le principe.
Le CRS auteur du tir ne sera pas sanctionné par son administration
Mais qu'il y avait bien un risque, que c'était « une action manifestement disproportionnée » et que l'auteur du tir ainsi que son superviseur (les CRS fonctionnent en binôme) ont fait preuve d'un « manque de discernement » à vouloir tirer dans la direction choisie, selon la même source.
Et la directrice de l'IGPN, Brigitte Jullien va jusqu'à préconiser la convocation d'un conseil de discipline, ce qui signifie qu'il y a bien une faute professionnelle et qu'elle est d'un niveau de gravité suffisant pour justifier une telle convocation, ajoute la même source.
Toutefois, le directeur général de la Police Nationale, Fréderic Veaux, a décidé de ne pas suivre ces recommandations, précise France Inter qui a révélé que ce dernier a récemment classé le dossier sans prendre la moindre sanction au-delà d'un stage de formation continue pour les deux CRS concernés.
Le dossier de l'affaire de Zineb Redouane transmis à un juge de Lyon
Toujours selon les informations de France Inter, le DGPN est en désaccord avec la cheffe de l'inspection générale, estimant qu'il n’y a rien dans le dossier qui démontre qu'il y a une faute grave. « À aucun moment, les enquêteurs marseillais de la police des polices n'ont estimé que le CRS avait délibérément visé la fenêtre où apparaissait Zineb Redouane », selon les termes du rapport de la police révélé par France Inter.
Toutefois, malgré ce classement administratif, le dossier a été transmis ces derniers jours au juge désormais en charge de cette affaire, qui a été judiciarisée à Lyon, précise la même source, qui ajoute que depuis un an, les avocats de la famille de Zineb Redouane espèrent que « le juge lyonnais réclamera de nouvelles expertises ».
Les avocats de la victime estiment que « ce tir tendu était intentionnel et préventif, et que cela est déjà arrivé par le passé pour empêcher des manifestants de jeter des projectiles sur les forces de l'ordre depuis des positions en hauteur », précise-t-on.