L'ouverture des archives françaises sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre d'Algérie est devenue effective. En effet, un arrêté interministériel publié jeudi 23 décembre au Journal officiel ouvre les archives judiciaires françaises « en relation » avec la guerre d’Algérie avec 15 d’avance sur le calendrier légal. Cette décision annoncée par la ministre française de la Culture Roselyne Bachelot, le 10 décembre dernier, devient ainsi du concret.
« Il faut avoir le courage de regarder la vérité historique en face. C’est exactement la décision que j’ai prise par un arrêté qui fait que j’ouvre, avec 15 années d’avance, les archives nationales sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont un rapport avec la guerre d'Algérie », avait déclaré Roselyne Bachelot.
Cette décision a été longuement commentée. Elle est un pas en avant dans la réconciliation entre les deux peuples pour certains, et d'autres la trouvent insuffisante. En effet, cette mesure annoncée en grande pompe ne répond pas aux revendications des historiens. L'historien Hosni Kitouni affirme qu'il faut essayer de « séparer le bon grain de l'ivraie dans les déclarations de la ministre française de la Culture ». Il avait souligné que cette décision a été suivie « par un unanimisme qui n’étonne guère, toute la presse française a adopté les mêmes éléments de langage pour annoncer "L'ouverture des archives de la Guerre d'Algérie avancée de 15 ans" ».
Ouverture des archives judiciaires de la guerre d'Algérie : Avis des historiens des deux rives
L'enthousiasme des historiens français
De son côté, le président de l’Association Josette-et-Maurice-Audin, Pierre Mansat, considère que cette décision « est une avancée très importante ». Quant à Emmanuel Blanchard, qui travaille sur la colonisation, il signale que cet arrêté « a été signé par le ministère de la Culture, mais aussi par l’intérieur, la défense, la justice et les affaires étrangères. Ce sont des fonds énormes, des centaines de mètres linéaires ». Il explique qu'il s'agit de « documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l’exécution des décisions de justice » et des « documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire ». Ces archives sont « conservées aux Archives nationales, aux Archives nationales d’outre-mer, dans les services départementaux d’archives, dans le service des archives de la préfecture de police, dans les services d’archives relevant du ministère des armées et à la direction des archives du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères », révèle Emmanuel Blanchard, qui souligne que « la procédure est très chronophage, elle pouvait prendre des mois », il fait remarquer qu' « avec cet arrêté, les personnes intéressées ne seront plus freinées, cela va encourager les projets de recherche. Le grand changement est d’ailleurs que l’on va pouvoir mettre des étudiants en master ou des doctorants sur ces sujets ».
Les réserves des historiens algériens
Par ailleurs, les historiens algériens ne partagent pas l'enthousiasme des Français. Hosni Kitouni rappelle qu' « il faut savoir que depuis la loi de 2008, les archives portant "Secret de la défense nationale, intérêts fondamentaux de l’État en matière de politique extérieure, sûreté de l’État, sécurité publique" sont ouvertes à la libre consultation en raison du délai prescrit de 50 ans. Oui, 50 ans ! Autrement dit, pratiquement toutes les archives de la période coloniale, y compris celles de la Guerre d’indépendance, sont aujourd’hui librement consultables à l’exception des documents frappés du tampon "secret" qui sont soumis à déclassification ». Il explique que « ce que Mme Bachelot annonce, c’est le raccourcissement du délai de consultation de 75 ans à 60 ans pour les archives relatives aux "enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre d’Algérie" ». L'historien algérien affirme que « les affaires judiciarisées de la guerre d’Algérie représentent une infime partie des archives et ne constituent pas la principale revendication des historiens ».