Amnesty International a publié, mardi 13 décembre, les résultats de son enquête sur le drame de Melilla, qui avait secoué l’été dernier le poste-frontière entre le Maroc et l'Espagne. L’ONG accuse le Maroc et l’Espagne d’avoir « contribué à la mort d’au moins 37 migrants » ayant tenté de pénétrer, fin juin, dans l’enclave de Melilla et de vouloir depuis « dissimuler » la vérité sur ce drame.
Selon le rapport d’Amnesty International1, qui a recueilli de nombreux témoignages de migrants présents le 24 juin à la frontière entre le Maroc et Melilla et analysé des vidéos et images satellites,« les méthodes employées par les autorités marocaines et espagnoles [...] ont contribué à la mort d'au moins 37 personnes ». Et 77 autres sont « toujours disparues ».
« Nous sommes ici aujourd’hui pour faire état d’une tuerie de masse, de disparitions forcées, d’actes de torture, de discrimination et de racisme, d’une violation du principe de non-refoulement. Tout cela sur le sol européen », a dénoncé mardi 13 décembre, la secrétaire générale d’Amnesty, Agnès Callamard, lors de la présentation à Madrid de ce rapport.
« Certaines actions des agents espagnols et marocains, comme frapper des personnes immobilisées […], refuser des soins médicaux d’urgence aux personnes blessées, l’usage répété de gaz lacrymogène contre des personnes se trouvant dans un espace clos dont elles ne pouvaient s’échapper, peuvent constituer une violation du droit à ne pas subir de torture et autre mauvais traitement », indique Amnesty International.
L’ONG dénonce « la violence dont ont fait preuve les autorités marocaines et espagnoles ce 24 juin lorsque près de 2 000 clandestins, en majorité originaires du Soudan, avaient tenté de pénétrer dans l'enclave de Melilla, située sur la côte nord du Maroc. « On a sauvé une personne de 28 ans qui est originaire du Soudan. Elle nous a dit : « la police espagnole nous a aspergé les yeux pendant que la police marocaine nous jetait des pierres à la tête ». Et certains policiers marocains les frappaient à la tête ensuite pour vérifier qu'ils étaient vivants2 », raconte Manon Filloneau, chargée de plaidoyer Migrations pour Amnesty International France.
Amnesty International : « Le Maroc et l'Espagne continuent de nier toute responsabilité dans le carnage de Melilla »
De plus, les autorités des deux pays n’auraient pas fourni « de secours médical adapté ». « Ils ont refusé l'accès à la Croix-Rouge et ont laissé des personnes, les corps amoncelés, sans assistance pendant au moins 8 h sous 30 degrés à l'ombre. Des personnes ont pu mourir à ce moment-là. Ce qui s'est passé après aussi, c'est que des personnes ont été expulsées par bus à plus de 1 000 km pour certaines. D'autres disent avoir été emprisonnées et torturées en prison du côté marocain. On atteint un degré d'inhumanité qui est vraiment incroyable », ajoute Manon Filloneau.
Amnesty International a tenu aussi à dénoncer « la non-coopération totale» de l'Espagne et du Maroc. « Six mois plus tard, les autorités espagnoles et marocaines continuent de nier toute responsabilité dans le carnage de Melilla », alors que « les preuves s’accumulent au sujet de multiples violations graves des droits humains […] Cette situation sent la dissimulation et le racisme », estime la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard, citée dans un communiqué de l’ONG.
Maroc/Espagne. La lenteur et les carences des enquêtes « sentent la dissimulation », six mois après la mort de 37 personnes à la frontière de Melilla, Amnesty International ↩
Drame de Melilla : Le gouvernement espagnol accusé de « cacher les actions du Maroc » ↩