Le Parlement européen est secoué, depuis plusieurs jours, par un scandale de corruption. Des eurodéputés sont soupçonnés d’être soudoyés, à coups de centaines de millions d’euros, par le Qatar. Dans ce scandale, le Maroc est aussi cité. Cependant, le royaume a été ménagé par ce même parlement.
En effet, lors du vote, jeudi 15 décembre, les eurodéputés ont adopté des mesures contre le Qatar, dont le gel des dossiers en cours avec ce pays et l’interdiction à ses lobbyistes d’accéder au siège du Parlement européen. Cependant, concernant le Maroc, un amendement prévoyant les mêmes mesures a été rejeté. En effet, selon les explications fournies par les députés qui ont refusé de voter l’amendement, les faits sont avérés pour le Qatar, mais ceux reprochés au Maroc sont encore au stade d’ « allégations ».
Ainsi, cet amendement, à la résolution déposée par la gauche, qui indique que le Maroc a peut-être également tenté d’influencer les députés, les anciens députés et le personnel par des actes de corruption a été rejeté. Ce groupe parlementaire a appelé à l’application de mesures conformes à celles appliquées aux représentants des intérêts qatariens, alors que les enquêtes sur l’affaire dite du « Qatargate » sont en cours. Cet amendement a été rejeté par presque tout le monde au sein du Parti populaire européen (PPE) de centre droit, la plupart des socialistes et démocrates, ainsi que la majorité des députés libéraux du parti Renew Europe.
Le Maroc continue donc de bénéficier de l'impunité au parlement européen, comme ce fut le cas lors du scandale de corruption avec le logiciel Pegasus. Pourtant, au fil des révélations à propos du « Qatargate » et de l’enquête de la justice belge sur cette affaire de corruption et de blanchiment impliquant des membres du Parlement européen, une nouvelle certitude se dégage : il faut désormais parler aussi d’un « Marocgate », tant les éléments qui fuitent de l’instruction menée par le juge bruxellois Michel Claise désignent le royaume chérifien comme l’un des autres acteurs clés de ce dossier.
Parlement européen : De « Qatargate » à « Marocgate »
Ainsi, selon plusieurs médias, le lien entre le Qatar et le Maroc est Antonio Panzeri, un ancien eurodéputé italien, actuellement incarcéré à Bruxelles dans le cadre de l'affaire « Qatargate ». Dans une note confidentielle datée de 2011, que se sont procurés plusieurs médias, l'ambassadeur du Maroc évoque la question du Sahara occidental. Ce territoire occupé illégalement par Rabat serait l'objet d'une « forte demande du Parlement européen ». Le Maroc fait du lobbying sur ce dossier. L'information n'est pas nouvelle, cependant, l'eurodéputé Antonio Panzeri continue à défendre régulièrement les intérêts du Maroc au sein de l'institution européenne depuis une dizaine d'années.
L'eurodéputé Ana Gomes affirme avoir été directement témoin de ces pratiques. Pour cette mission (lobbying en faveur du Maroc) des écoutes réalisées auprès de l'épouse d'Antonio Panzeri montrent qu'elle a touché de l'argent de Rabat grâce à Abderrahim Atmoune. Ce dernier est un grand ami de Panzeri, à l'époque parlementaire et il est devenu aujourd'hui ambassadeur du Maroc en Pologne.
Ainsi, les faits démontrent que le Maroc a payé les positions de ce député et l'a rémunéré pour son lobbying. Panzeri n'est pas le seul cité dans ce scandale. D'autres eurodéputés ont entretenu des rapports étroits avec le Maroc. L'un d'entre eux est français, il s'agit de Gilles Pargneaux, eurodéputé socialiste jusqu'en 2019. Président du groupe d'amitié UE-Maroc. Cet eurodéputé a multiplié les voyages payés par le Maroc, auxquels il invitait d'autres députés. Sur son compte Facebook, des clichés montrent le député recevant des cadeaux.
Les ramifications marocaines et l'infiltration des institutions européennes expliquent donc l'impunité dont il bénéficie dans ce parlement. Cependant, il faut s'attendre à des réactions de certains eurodéputés qui sont loin de ces scandales de corruption. Donc, plus l'enquête avance, plus le royaume risque des sanctions.