Chantage au roi du Maroc : Les deux journalistes condamnés à 1 an de prison

Mohammed VI, roi du Maroc

Le verdict dans l'affaire dite « chantage du roi du Maroc » est connu. Reconnus coupables d'avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc en 2015 en réclamant de l'argent en contrepartie de la non-publication d'un livre, les deux journalistes français Éric Laurent et Catherine Graciet ont été condamnés le 14 mars,  à Paris, à un an de prison avec sursis et 10'000 euros d'amende.

Ils étaient jugés pour avoir tenté d'obtenir deux millions d'euros auprès de la monarchie marocaine pour abandonner la publication d'un livre la concernant. Selon le tribunal correctionnel de Paris, les deux journalistes ont eu une « démarche commune » et exercé une « pression » sur l'émissaire, parlant entre autres d'un livre « dévastateur » pour le royaume. « Le prix du silence, c'est-à-dire correspondant à la non-parution du livre, non seulement vient des deux journalistes, mais le montant fixé aussi », explique-t-on encore.

Les journalistes, dont les avocats ont immédiatement fait appel, ont contesté avoir formulé une quelconque menace, mais ont reconnu avoir commis une « erreur déontologique » en acceptant une proposition d'arrangement financier émanant de Rabat.

Un livre choc pour faire chanter le roi Mohammed VI du Maroc

Tout a commencé durant l'été 2015, quand Éric Laurent, ancien reporter de Radio France et du Figaro Magazine, auteur de nombreux ouvrages, avait pris attache avec le secrétariat particulier du roi Mohammed VI pour une rencontre qui aura finalement lieu le 11 août de la même année dans un palace parisien avec l'avocat Hicham Naciri, émissaire du Royaume.

Le Maroc n'a d'ailleurs pas tardé à porter plainte juste après cette première rencontre – qui sera suivie d'autres. Seulement, elles seront tenues sous surveillance policière les 21 et 27 août. Les rencontres avaient toutes été enregistrées en cachette par l'émissaire du roi. Les deux journalistes avaient ainsi été arrêtés après avoir signé un accord contre l'abandon du livre et effectivement reçu une première partie de cet argent sous les yeux de la police locale qui avait filmé et observé la scène de loin.

Hicham Naciri, qui intervenait pour le compte du Royaume auprès des auteurs du livre, a quant à lui fourni à la justice des enregistrements sonores des divers entretiens qu'ils ont eus, prouvant qu'Éric Laurent a bien réclamé un arrangement financier.

Mohammed VI, « Le roi prédateur »

Éric Laurent et Catherine Graciet, âgés de 76 et 48 ans aujourd'hui, sont les auteurs du livre « Le Roi prédateur », édité en 2012. Dans l'ouvrage, le roi Mohammed VI du Maroc est décrit comme étant le premier banquier, le premier assureur et le premier entrepreneur de bâtiment de son pays. Son rôle dominant dans l'agroalimentaire, l'immobilier, la grande distribution, l'énergie et les télécommunications y est également mis en exergue. Aussi, l'on évoque la fortune personnelle du monarque qui a quintuplé depuis son accession au trône.

Le magazine Forbes le classe d'ailleurs parmi les personnalités les plus riches du monde, ceci alors que 60 % des Marocains vivent dans la pauvreté, dans le besoin et dans la précarité. Les deux journalistes ont par ailleurs évoqué plusieurs opérations démontrant cette « mainmise du palais royal sur la marche des affaires, comme les circonstances de création de la plus grande banque du pays ou l'introduction en Bourse d'un groupe immobilier appartenant à un proche du roi ».

« L'absolutisme royal de Hassan II était résolument politique et visait à assurer la pérennité de la monarchie marocaine. L'absolutisme de Mohammed VI s'exerce, lui, dans le domaine de l'économie et ne s'accompagne d'aucune stratégie politique pour assurer l'avenir de la dynastie qu'il incarne », estiment les deux journalistes.

Maroc : Le royaume de tous les interdits

Évoquer le Maroc de Mohammed VI, c'est aussi évoquer la détérioration du niveau de vie et les restrictions croissantes des libertés au Royaume, selon plusieurs associations et ONG qui assurent que la politique publique adoptée par le régime marocain entraînerait le pays dans « un bourbier de drames à tous les niveaux ».

L'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) a alerté, dans un communiqué rendu public le 20 février, sur la politique de représailles menée par les autorités de sécurité contre les journalistes, les blogueurs et les défenseurs des droits de l'homme en renouvelant sa demande de libération immédiate de tous les prisonniers politiques et d'opinion et les détenus des mouvements sociaux, dont ceux du mouvement du Rif.

Les rapports établis dans ce contexte sont édifiants. En juillet 2021, un rapport des plus accablants sur la situation de la liberté d'opinion et d'expression et la liberté de la presse au Maroc avait été dressé par l'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'Homme. L'Union européenne avait d'ailleurs voté une résolution condamnant l'emprisonnement de journalistes dans le royaume et les atteintes à la liberté d'expression.

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