Sonatrach tributaire de la conjoncture internationale (contribution)

Sonatrach

L'année 2022 était une année prolifique pour le secteur des hydrocarbures en Algérie. En raison de la guerre en Ukraine, la demande sur ces produits a augmenté et les prix aussi. Le géant pétrolier national Sonatrach a donc profité de cette situation pour renforcer sa présence et augmenter ses recettes. Dans son bilan de l'année 2022, Sonatrach a révélé que les exportations ont atteint 60 milliards de dollars en 2022. Cependant, ces recettes ont été le produit d'une conjoncture. C'est le constat du Professeur Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique et docteur d'État depuis 1974. Le professeur a bien voulu apporter son analyse sur cette question. Nous vous livrons donc cette contribution qui, bien évidemment, n'engage pas notre journal. Elle est intitulée : « Le bilan  financier de Sonatrach de recettes de 60 milliards de dollars en 2022 a été largement tributaire de la conjoncture internationale ».

Le prix du pétrole, qui connaît d’importantes fluctuations, a été coté le 28 mars 2023 en fin de clôture à 78,36 dollars et le WIT à 73,46 dollars et dépend largement de la conjoncture internationale. En effet, le cours élevé des hydrocarbures en 2022 a permis une relative aisance financière, selon le dernier rapport de la Banque d’Algérie, ayant atteint, pour le pétrole, un prix moyen de 109 dollars pendant la même période contre 72,7 dollars en 2021, tandis que ceux du gaz ont plus que doublé, passant de 5,2 à 11,5 dollars le million de BTU, le gaz représentant plus de 35 % des recettes de Sonatrach, avec un cours qui avoisine 50 dollars le mégawattheure contre 250/300 au moment du début du conflit en Ukraine .

Cela a permis un investissement de 5,5 milliards de dollars, une production primaire d'hydrocarbures de 189,6 millions de tonnes équivalent pétrole (mtep) contre 185,2 mtep en 2021, soit une évolution de 2 %, montrant que ce sont les effets externes qui ont contribué à ces résultats pour plus de 90 %, puisque les recettes ont été de 34,5 milliards de dollars en 2021 contre une recette en 2022 d'environ 60 milliards de dollars, mais ce sont les recettes et non le profit net, devant soustraire les parts des étrangers et les différents coûts internes.

L’Algérie a eu une balance commerciale et un niveau de réserves de change fin 2022 de 60 milliards de dollars et fin février 2023 de 63 milliards de dollars. Mais ce montant inclut les dérivées d’hydrocarbures commercialisés par Sonatrach et inclus également dans la rubrique hors hydrocarbures, ne devant pas faire un double emploi. D’où la nécessité afin de comprendre les déterminants du cours du pétrole, étant souhaitable que Sonatrach dresse un bilan physico-financier pour déterminer ses résultats ce qui est imputable à des facteurs externes et ce qui est imputable à une bonne gestion interne.

L’impact des facteurs externes sur le pétrole et le gaz

L'impact des facteurs externes sur le cours des hydrocarbures via la croissance de l’économie mondiale récemment a été la faillite, le 9 mars 2023, de la Silvergate Bank, spécialisée dans les cryptomonnaies, un secteur partiellement régulé qui est le théâtre d’une série de scandales, entre faillites de banques ou de plateformes, et où les régulateurs cherchent des solutions pour protéger les particuliers de fraudes, puis, le 24 mars, de Silicon Valley Bank (SVB), la « banque de la tech », avec 173 milliards de dollars et ses actifs étaient estimés à 209 milliards de dollars, et, le 12 mars, de Signature Bank, également proche du monde des cryptos, qui disposait de 110 milliards de dollars d’actifs et de 88 milliards de dollars de dépôts – la Fed ayant prêté environ 2 milliards de dollars au secteur bancaire pour éviter la crise, selon bon nombre d’experts. En Europe, UBS  a accepté de racheter Credit Suisse – compte parmi les 30 plus importantes – suite à sa faillite pour 3 milliards de francs suisses (3,04 milliards d’euros), afin d’éviter un impact systémique, la Banque nationale suisse (BNS) ayant  accepté de débloquer des liquidités pour 100 milliards de dollars en faveur de Credit Suisse dans le cadre de l’accord.

Mais après les USA et la Suisse, entre le 2 et le 25 mars 2023, la zone euro a été touchée, comme le montrent les difficultés de la Deutsche Bank qui, le 24 mars 2023, a perdu en clôture -8q,5 % entraînant dans sa chute à Paris la Société Générale  qui a perdu -6,13% et BNP Paribas -5,27 % .Les principaux dirigeants européens se veulent rassurants, car  face au regain de stress sur les marchés, la présidente de la Banque centrale européenne et le chancelier allemand ont assuré le 2 mars 2023  que les banques dans la zone euro étaient robustes et disposaient de positions solides en termes de capital et de liquidités.

Crise financière mondiale

Selon bon nombre d'experts, nous sommes encore loin du scénario de la banque Lehman Brothers, où cette dernière disposait de plus de 600 milliards de dollars d’actifs et était surtout l’une des premières banques d’affaire mondiale. À l’époque, presque toutes les banques de la planète étaient clientes de Lehman Brothers, d’où un effet domino quasiment immédiat qui s’en est suivi. D’où l’optimisme mesuré d’une relance de l’économie mondiale en 2023, mais aucun concernant les fluctuations physiques et monétaires mondiales.

La cotation euro/dollar le 28/03/2023 est de 1,0838. Ainsi, selon le FMI, entre  2020 et 2021, la part de l’euro dans les paiements mondiaux s’élevait à 38 %, tandis que celle du dollar américain se situait aux alentours de 60 %, son plus bas niveau depuis 25 ans, au profit d’autres devises telles que l’euro, le rouble, le yuan ou même l’or. En novembre 2020, la part de l’euro dans les paiements mondiaux s’élevait à 38 %, sa part dans les avoirs de réserves de change était d’environ 20 % en juin 2020, tandis que celle du dollar américain se situait aux alentours de 60%, en précisant que l’appréciation récente du dollar aura des tensions grandissantes sur les dettes souveraines. À l’avenir, sous l’impulsion des Bricks et notamment de la Chine avec des réserves de change de 3140 milliards de dollars en février 2023 et un PIB en 2023 approchant les 20'000 milliards de dollars, la création de la banque de développement, des transactions entre certains pays du pétrole et du gaz pourraient se faire avec la crise actuelle en roubles russes et surtout en yuan.

Conclusion

En conclusion, attention à l’euphorie de cette hausse passagère. L’Algérie a connu différentes difficultés dues à la baisse drastique du cours des hydrocarbures dont la plus grave a été celle de l'impacts de la crise de 1986/1990. Une nation n’est  forte et une diplomatie écoutée que si son économie est concurrentielle au niveau mondial et la Chine en est un exemple. L’Algérie, et cela est reconnu par la majorité de la communauté internationale, comme acteur stratégique sur le plan énergétique et de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, a les potentialités pour le redressement national entre 2023 et 2025. Comme l’a souligné le chef de l'État Abdelmadjid Tebboune, pour consolider sa position stratégique, l'Algérie doit doubler son PIB de 350/400 milliards de dollars entre 2023/2025, étant en 2022 selon le FMI à 193 milliards de dollars, avec une part croissante hors hydrocarbures, si elle veut avoir une influence sur les décisions internationales au sein des zones de libre-échange ; qu’elle soit arabe, africaine, européenne ou au sein des BRICS avec son éventuelle adhésion l'été prochain en Afrique du Sud.

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