« Jusqu'ici tout va bien », la série de Nawell Madani qui irrite les Maghrébins de France

Nawell Madani

En France, « porter » la communauté « maghrébine » à l’écran est un exercice délicat. Preuve en est la série Netflix de Nawell Madani, Jusqu’ici tout va bien, qui cartonne et irrite fortement les maghrébins – et à forte raison, les Algériens – de France. Ceux-ci reprochent à l’humoriste algéro-belge de stigmatiser davantage une communauté déjà dans le viseur de la droite et de l’extrême droite françaises.

L’intrigue semble bien séduire, puisque Jusqu’ici tout va bien est actuellement la série la plus regardée de France. Mais le succès de cette production ne s’est pas limité à l’Hexagone. Elle est même devenue la 7e série la plus regardée au monde sur Netflix. Un succès monumental auquel même les concepteurs ne s’attendaient pas.

Toutefois, ce n’est pas tout le monde qui jette un regard positif sur Jusqu’ici tout va bien. En effet, du côté des Nord-Africains de France – des « Maghrébins » –, la série donne une mauvaise image d’une communauté qui, même enracinée depuis des décennies, fait encore face au racisme. Et la « responsabilité » de Nawell Madani semble au centre des débats, puisque l’humoriste d'origine algérienne en est la réalisatrice, la productrice et l'actrice principale.

Un bouillon de criminalité, de drogue, d’islamisme et de désillusions

Le personnage principal s’appelle Fara, une journaliste sur le point de réaliser un rêve qui lui est très cher : présenter le JT. Mais le sort a voulu que Fara soit obligée de faire des choix assez compromettants. En effet, son frère se retrouve impliqué dans une affaire de drogue et se voit à la fois dans le viseur de la police et dans celui des trafiquants. Fara et sa sœur, portées par la fibre familiale, choisissent de lui venir en aide. Et c’est ce qui mettra toute la famille en danger.

« Un peu banal », pourrait-on dire. Mais, le « décor » – « maghrébin », avec des personnages maghrébins, des soucis maghrébins… – donne à la série un cachet atrocement politique. Et ce qui ajoute davantage de réalisme à l’œuvre de Nawell Madani, c’est un zeste d’islamisme : l’une des sœurs de Fara est une musulmane voilée qui est s’implique fortement dans l'histoire de drogue.

Jusqu’ici tout va bien semble avoir bien réussi un pari : celui de montrer la difficulté d’être femme d’origine maghrébine et musulmane en France. La double culture des Maghrébins de France – et d’Europe en général – y est clairement illustrée. Ambitions et possibilités sont, en effet, bien là, mais le mur du patriarcat « à la maghrébine » aussi…

Jusqu’ici tout va bien, joue le jeu de la droite et de l’extrême droite

Nawell Madani, qui fait le tour des chaînes françaises pour parler de son travail, le savait sûrement. Mais ce à quoi elle ne s’attendait pas, c’est la vague de dénonciations de la part des Maghrébins, notamment des Algériens, sur la toile. On est allé jusqu’à l’accuser de faire le jeu de la droite et de l’extrême droite françaises. « Tout au long du film, on est confronté à une représentation exagérée et caricaturale de la vie quotidienne des Maghrébins en France, qui frise la moquerie », a écrit un internaute.

Les internautes reprochent à la comédienne de présenter une « trop mauvaise image de la communauté maghrébine ». « [les Maghrébins] ne sont pas que des délinquants », a écrit un internaute. Et d’ajouter : « La série parle comme un Zemmour, mais en images. Et ce n’est même pas bien étoffé ». « Par pitié, respectez les musulmans ! Toujours fusionner dealers, musulmans et morale. Pathétique ! Un navet gênant du début à la fin ! Madani s’est enterrée avec cette "série" », a écrit un autre sur Allociné.

Nawell Madani : « mon intention était noble »

La comédienne d'origine algérienne dit ne pas comprendre cet acharnement. « Mon intention était noble. Je voulais parler des femmes qui se battent », se défend-elle sur le plateau de Clique TV. Et d’ajouter : « J’ai mis une femme voilée, rayonnante, solaire, une fille invalide, les enfants de Yasmina qui sont en surpoids, des gens qu’on n’a pas l’habitude de voir à l’image ».

Nawell Madani a même repris le témoignage de reconnaissance d’une maghrébine de France : « Le fait que cette femme (le personnage de Jusqu’ici tout va bien, NDLR) ait choisi sa foi, alors qu’on véhicule tellement l’idée que le voile est imposé aux femmes, qu’elle soit libre et qu’elle se batte pour sa fille… Tu m’as gagnée parce que je me suis reconnue », lui aurait-elle dit.

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