À l'ère de la gouvernance de Pedro Sanchez, l'Espagne et le Maroc vivent une lune du miel. Les deux gouvernements n'arrêtent pas de se jeter des fleurs et de se défendre mutuellement. Officiellement, tout va très bien, madame la marquise. Cependant, malgré cette entente apparente, un problème de taille reste suspendu entre les deux pays.
Il s'agit de la souveraineté sur les deux enclaves espagnoles situées du côté africain de la méditerranée, au nord du Maroc. En effet, Sebta (pour les Marocains), ou Ceuta (pour les Espagnols), forme avec Melilla des territoires litigieux entre le Maroc et l'Espagne. Ces deux villes espagnoles sont au centre d'un conflit latent : le Maroc veut retrouver sa souveraineté sur les deux enclaves et l'Espagne ne veut rien lâcher. Ce conflit revient souvent au centre des débats pour pourrir les relations espano-marocaines.
En avril de l'année en cour, un nouveau débat sur cette souveraineté a eu lieu lors d’un événement organisé par le parti Istiqlal. Ennam Mayara, président de la Chambre des conseillers, avait souligné le caractère marocain des deux villes et avait plaidé pour « mettre fin à la colonisation » en activant une solution politique négociée.
Quelques jours après ces déclarations, le gouvernement espagnol avait réagi avec fermeté. Les deux villes sont « espagnoles comme Zamora ou Palencia et il n'y a plus rien à discuter sur ce sujet », avait affirmé la ministre de la Défense, Margarita Robles, ajoutant que « la position du gouvernement espagnol est claire et ferme et il n'y a aucune possibilité de débat sur ce sujet ».
Le Maroc mène une guerre hybride contre les deux enclaves
La question est donc close pour l'Espagne. Mais pour le Maroc, elle est toujours d'actualité. D'où la question : jusqu'où peut aller le Maroc pour récupérer ces deux villes ? Le Maroc peut-il déclencher un conflit armé ?
Il faut dire que depuis des années, le Maroc veut récupérer ces villes, mais n'a jamais officiellement haussé le ton envers l'Espagne. Cette tache est réservée aux partis politiques qui, de temps à autre, rappellent l'occupation de ces villes. Quant à la possibilité d'un conflit armé entre les deux pays, elle n'est pas envisageable, du moins dans cette conjoncture. Le Maroc officiel accepte la souveraineté espagnole sur ces deux enclaves et garde espoir que l'Espagne fasse un geste « amical » pour lui transférer cette souveraineté.
Ce constat est notamment partagé par certains experts militaires et diplomatiques espagnols. L’amiral à la retraite Juan Rodriguez Garat a affirmé lors de la présentation du rapport « Le rôle de Ceuta et Melilla dans l’agenda mondial », réalisé par le groupe de réflexion Europa Ciudadana, que dans le contexte mondial actuel, marqué par le conflit russo-ukrainien, une agression militaire du Maroc n’est pas envisageable, car elle mettrait en danger la communauté internationale.
Cependant, le haut gradé a mis à l'index « la guerre hybride » menée par le Maroc contre les deux enclaves. Il accuse le Maroc d'utiliser notamment « l’immigration » comme moyen de pression sur le gouvernement espagnol. De son côté, le lieutenant-général de l’armée de réserve Francisco Gan Pampols souligne que, pour le moment, le Maroc évolue dans une « zone grise » avec l’Espagne. Il rappelle la bataille de « faible intensité » survenue sur l’îlot de Perejil (Laila) en juillet 2002. Ce genre de batailles sont des « tentatives de chantage évidentes », prévient Javier Rupérez, diplomate et ancien ambassadeur d’Espagne près des États-Unis et de l’OTAN.