Quelle conclusion tirer de la visite du président Emmanuel Macron en Algérie ? (Contribution)

Photo d'Emmanuel Macron - Drapeau de l'Union européenne

Le président français Emmanuel Macron et le chef de l'État Abdelmadjid Tebboune signeront, le 27 juin 2022 à Alger, « une déclaration commune pour un partenariat renouvelé, concret et ambitieux ». Je recense 3 axes qui devraient concilier à la fois le devoir de mémoire et préparer l’avenir, surtout en ce monde incertain et turbulent qui devrait connaître un profond bouleversement géostratégique entre  2022 et 2030.

1. France-Algérie : Le devoir de mémoire

Depuis des années, l’épanouissement de la relation stratégique approfondie entre l’Algérie et la France est systématiquement entravé, pour des «raisons» obscures, par de puissants lobbies ne voulant pas d’une relation apaisée entre l’Algérie et la France. La visite avait pour objet essentiel d’atténuer les tensions qu’ont récemment connues les deux pays. Et dans ce cadre, le facteur culturel se basant sur la tolérance et le respect d’autrui est important pour aplanir les divergences. C’est que l'ère des confrontations n'a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d'exclusion. Connaître l'autre, c'est aller vers lui, c'est le comprendre, mieux le connaître et non lui imposer un schéma social contraire à ses valeurs. Dans ce cadre, le devoir de mémoire est important pour l'Algérie afin de préparer  l’avenir loin de tout esprit de domination. L’installation de la commission annoncée de chercheurs algériens et français sur toute la colonisation et la Guerre d'Algérie par le devoir de vérité est importante.

2. Le volet géostratégique et la stabilité de la région du Sahel

Face aux tensions géostratégiques dans le monde, où chaque pays a des positions spécifiques – notamment le conflit en Ukraine et l’aspect sécuritaire. Dans plusieurs rapports entre 2018 et 2022, les autorités tant américaines qu’européennes, russes et chinoises ont tenu à souligner qu’avec les tensions observées dans la région, l’Algérie contribue à la stabilisation de son voisinage immédiat, notamment au Sahel, et demeure un acteur clé au niveau régional.

Avec les tensions au Mali, en Libye et au Sahel, il est reconnu par  la communauté internationale que l’Algérie est un acteur stratégique de la stabilité de la région africaine et méditerranéenne. L'instabilité de la région a un effet négatif sur toute l’Europe – dont la France – et renvoie d’ailleurs à l’urgence d’une nouvelle architecture des relations internationales fondée sur le co-développement. C’est dans ce cadre qu’ont eu lieu les rencontres entre les différents services de sécurité algériens et français ayant réuni, du côté algérien, le Chef d’état-major de l’armée (ANP), le directeur général de lutte contre la subversion, le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI) et le directeur général de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE), et, du côté français, le ministre français des Armées, le chef d’état-major des armées et le directeur général de la Sécurité extérieure. Selon l’agence de presse algérienne APS, reprenant une note du MDN, « cette visite constituera une étape charnière du processus de compréhension mutuelle entre les deux parties, insufflée par la volonté politique des Présidents des deux pays ».

3. Le volet économique, le gaz et la diaspora algérienne

Le volet économique et culturel ont également été abordés, mais comme cela avait été annoncé par la partie française, pas de grandes annonces durant cette visite où, pour la concrétisation de nouveaux projets, il a été convenu la mise en place de commissions spécialisées entre les différents départements ministériels. Outre la diaspora algérienne, qui recèle d'importantes potentialités. Malgré sa désindustrialisation, la France demeure la deuxième puissance économique en Europe, derrière l'Allemagne, pouvant coopérer dans certains projets dont elle détient la technologie.

La France, par rapport aux années passées, a perdu des parts de marché pas seulement en Algérie, mais aussi en Afrique. En 2019, la France a été fournisseur de l'Algérie à hauteur de 10,9 % et a été le principal client de l’Algérie (à hauteur de 14,11 %). Selon les statistiques douanières, durant le premier semestre 2022, les principaux fournisseurs de l'Algérie sont la Chine (16,5 %), la France (7,17 %), le Brésil (6,51 %), l'Argentine (6,44 %) et l'Italie (5,83 %). Tandis que les principaux clients de l'Algérie sont : l'Italie (21,83 %), l'Espagne (12,13 %), la France (9,94 %), les Pays-Bas (7,38 %) et les États-Unis (5,75 %).

Dans la pratique des affaires, il n'y a pas de fraternité et de sentiments. L'Algérie doit privilégier uniquement ses intérêts, comme c'est le cas de la France, car les opérateurs – qu'ils soient arabes, algériens, chinois, russes, français ou américains – étant mus par la logique du gain, ils iront là où les contraintes sociopolitiques et socio-économiques sont mineures, leur objectif étant de réaliser le profit maximum.

L'Algérie est par ailleurs, un acteur stratégique pour l’Europe dans son approvisionnement énergétique (11 %), mais pouvant doubler ses capacités à l'horizon 2025/2027. Le volet énergétique a été abordé avec les excellentes relations entre Sonatrach et Gaz de France, la France étant le pays qui dépend le moins du gaz russe (environ 15 à 17 %), grâce au nucléaire. Comme cela a été souligné par le président français Emmanuel Macron, l’Algérie est un partenaire stratégique pour la France. L’attractivité du marché algérien découle des avantages comparatifs suivants : la proximité géographique des marchés potentiels d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient ; la taille du marché intérieur étant estimée à plus de 45 millions de consommateurs ; des richesses naturelles importantes ; des ressources humaines ; un endettement extérieur inférieur à 6 milliards de dollars ; des réserves de change – bien qu’en baisse – de 44 milliards de dollars à la fin de 2021, contre 194  milliards de dollars au 1er janvier 2014, des recettes en devises qui devraient dépasser 50 milliards de dollars en 2022. N’oublions pas le nombre de résidents d’origine algérienne dans le monde, recélant d’importantes potentialités intellectuelles, économiques et financières. La promotion des relations entre l’Algérie et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile.

Visite de Macron en Algérie : Conclusion

Espérons que cette visite permettra de promouvoir l'esprit de paix, d'amitié, d'excellence, d'ouverture d'esprit et d'unité entre la France et l'Algérie, tous deux acteurs stratégiques du pourtour méditerranéen ; une mer qui, depuis 3000 ans, a vu la naissance de grandes civilisations, religions, cultures et traditions. Le monde subit une profonde reconfiguration géostratégique et, face aux importantes mutations géostratégiques avec les derniers événements couplés au réchauffement climatique, ne sera plus jamais comme avant.

Comme je l’ai fortement souligné lors du sommet de la société civile, qui est au centre de la coopération euro-méditerranéenne et euro-africaine, tenu à Marseille le 24 juin 2019, où j’ai présidé la délégation algérienne et ayant donné une conférence sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée en présence du président Emmanuel Macron, représentant l’Algérie en tant que président de la commission transition énergétique des 5+5+Allemagne, qui a réuni les ministres des Affaires étrangères, dont l’Algérie, le FMI, la Banque mondiale et les représentants de la Commission européenne, il  s'agit de préparer – ensemble – l'avenir par le respect mutuel afin de contribuer – ensemble – à la stabilité régionale et au co-développement grâce au dialogue des cultures et la tolérance – source d'enrichissement mutuel.

Ce texte est une contribution du Professeur Abderrahmane Mebtoul, docteur d'État en Sciences économiques (1974).

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