Ryma, ou la banalisation des féminicides en Algérie

Femme en détresse

Ryma est enseignante de français, âgée de 28 ans. Elle a été aspergée d'essence et brulée au 3e degré par un homme qu'elle a refusé d'épouser. Elle a été hospitalisée à Tizi-Ouzou puis transférée en Espagne pour être sauvée. La jeune femme n'est hélas pas la première à subir un sort atroce. Avant elle des dizaines de femmes ont été assassinées juste par ce qu'elles étaient, des femmes. En Algérie, les féminicides sont courants. Cependant ce phénomène est banalisé. 

En effet, rien que durant l’année 2021, quarante femmes ont été tuées par leurs conjoints en Algérie, selon l’avocate et directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits des enfants et des femmes (CIDDEF) Nadia Aït Zaï. Les féminicides en Algérie prennent de l'ampleur sans que des mesures concrètes ne soient prises. Ils sont carrément banalisés. Le cas de Ryma est édifiant. Son agression a soulevé l'émoi dans la société. Les citoyens, notamment les femmes, se sont mobilisés pour venir en aide à cette jeune femme qui est devenue le symbole du statut précaire des femmes en Algérie. Une quête a été lancée. Ryma a été transférée en Espagne.

Cependant, sur le plan officiel, aucune réaction n'a été enregistrée. La tentative d'immoler une jeune femme en pleine rue est devenue un fait divers comme les autres. Une nouvelle victime qui s'ajoute aux chiffres effarants des agressions sur les femmes. En effet, du harcèlement verbal aux violences physiques ou sexuelles, cette violence peut malheureusement mener à la forme la plus extrême : le féminicide, c’est-à-dire le meurtre d’une femme. Souvent le féminicide est commis par un proche intime de la femme, le conjoint ou un autre membre de la famille, pour des motifs différents.

Les féminicides en majorité sont commis par des proches

En Algérie, les féminicides sont en majorité commis par les conjoints comme l’avait affirmé l’avocate Nadia Aït Zaï, directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits des enfants et des femmes (CIDDEF). Dans une déclaration le mois de mars 2022. L’avocate avait révélé que 40 femmes ont été victimes de féminicide en Algérie en 2021. Elles ont été tuées par leurs maris.

« La femme algérienne est de plus en plus exposée à la violence, en raison notamment de la détérioration des conditions de vie au sein des familles », avait expliqué l'avocate. Devant cette situation alarmante, les pouvoirs publics n'ont pas pris de véritables mesures pour protéger ces femmes. « Ce qui manque le plus aujourd’hui en Algérie ce sont des centres d’accueil et de prise en charge des femmes victimes de violence, ce qui les oblige à rester auprès de leurs maris et continuer ainsi à subir leurs violences », avait alerté Nadia Aït Zaï au début de l'année.

Plusieurs mois se sont écoulés après cette alerte. La situation est la même. Les femmes subissent toujours des violences et sont victimes de féminicides. En Algérie seuls 5 centres d'accueil pour les femmes en détresse sont actifs sur tout le territoire. Des centres insuffisants devant l'étendue du phénomène des féminicides. Quant aux centres téléphoniques pour écouter, orienter et venir en aide aux victimes de violences, ils sont inexistants.

Certains médias participent à la banalisation des féminicides

Il faut dire aussi que sur le plan médiatique tout reste à faire. Les féminicides sont souvent banalisés, certains médias tentent même de les justifier. Une tendance très visible sur les réseaux sociaux à chaque féminicide. « La violence est complètement décomplexée dans notre pays, la tolérance sociale et l’insuffisance de prise en charge judiciaire sont étroitement liées. Il est important de rappeler que la norme sociale qui veut que la femme pardonne à son conjoint lorsqu’il la violente a été instaurée en loi, où le pardon de la victime met fin aux poursuites pénales en cas de violences conjugales, ce qui est très grave. Ces normes sociales s’imbriquent dans les institutions, et les institutions renforcent les normes sociales avec des lois et des mesures de protection insuffisantes, voire inexistantes », affirme une militante féministe. Et d'ajouter, « certains médias contribuent aux violences faites aux femmes en créant du contenu qui banalise et encourage les féminicides. Nous devons redoubler d’efforts pour faire reculer ce genre de programmes néfastes à la société ».

En conclusion, pour combattre ce phénomène en Algérie, les féministes sont montées au front. Plateforme d'écoute et numéro d'alerte sont mis à la disposition des victimes. Cependant, à elles seules, ces associations ne peuvent endiguer ce phénomène. L'implication de l'État, des médias et de toute la société est nécessaire pour en venir à bout.

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