Les manifestations du 11 décembre 1960 en Algérie ont permis l'internationalisation de la question algérienne et son examen au sein de l'ONU. Elles ont contribué au renforcement des démarches diplomatiques et médiatiques du Gouvernement provisoire et ont conduit à la reconnaissance du droit à l'autodétermination de l'Algérie. 3 ans auparavant, soit le 11 décembre 1957, le village d'Aït-Ouabane a été attaqué par l'armée coloniale française en représailles de son soutien à la cause indépendantiste. Cet événement est raconté par l'officier de l'ALN Ibrahim Djaffar, qui a témoigné des exploits et du courage de la jeunesse algérienne durant la guerre de libération.
Le village Aït-Ouabane, situé en plein centre du massif du Djurdjura, avait abrité l’un des postes de commandement de la wilaya 3 durant la guerre d'Algérie. Dans ce village aux 100 martyrs, la journée du 11 décembre 1957 restera dans les esprits de ceux l’ayant vécue et de leurs descendances. C'est en cette journée que le colonialisme s'est vengé de la volonté de libération algérienne, avec comme bouc émissaire ce village qui s'est donné corps et âme à la cause indépendantiste. En ce 11 décembre, les villageois furent évacués vers Bouadnane et les villages limitrophes de la région.
La bataille du 11 décembre restera à jamais gravée dans les esprits. « Nous devons raconter les péripéties de cette grande bataille pour que les autres générations, qui n’ont pas vécu ce genre d’événement, puissent connaître l’histoire et s’imprégner des exploits et du courage de la jeunesse de notre temps, celle qui a vécu la guerre de libération », avait témoigné l’officier de l’ALN Ibrahim Djaffar, connu sous le nom de guerre de Si Saadi.
Société Vers le retour en force des visas dorés dans les pays Schengen
L'ex-maquisard aujourd'hui décédé avait raconté : « j’ai l’honneur de vous raconter les événements de cette grande bataille, qui s’est déroulée un certain 11 décembre 1957 et dont j’ai été l’un des acteurs. En cette année 1957, l’Armée de libération nationale s’est attelée à l’organisation de ses rangs par la formation de bataillons et de compagnies et ce, dans le cadre des résolutions arrêtées lors du congrès de la Soummam du 20 août 1956. En ce temps de grâce, au niveau du village Aït-Ouabane, fût installé le PC de wilaya au sein duquel il y’avait une section presse qui était composée de Si Tahar d’El Kseur, si Abdenour Farhani, si L’Hadi Ouguerguouze, si Abdelkader de Sétif et si Tayeb Abdelouahab. En outre, une compagnie, dirigée par le chahid Amrane Amlikeche venait d’arriver de Tunisie et avait installé son bivouac non loin du village Aït-Ouabane. L’ennemi, qui était aux aguets, fut alerté et a pris toutes les dispositions en apprenant la présence, dans la région, du colonel Amirouche.
Ait-Ouabane : Village évacué et rasé
Le 10 décembre au soir, la section ALN locale, renforcée par les moussebelines, a exécuté une action d’envergure par le sabotage de la route de Tirourda. À la suite de cette action et grâce aux renseignements recueillis sur les mouvements des moudjahidines, les forces militaires coloniales, renforcées par les unités des postes Aït-Ali-Ouherzoune, Aïn El Hammam et de Tizi El-Djamâa, décident de déclencher une offensive contre les moudjahidines. Ce n’est que le 11 décembre 1957 au matin que nos guetteurs ont pu déceler la présence de l’ennemi qui, dans la nuit du 10 au 11 décembre, a occupé toute la route touristique menant vers Tirourda. Des camions, bourrés de soldats, ont fait route vers nos positions. Devant toute cette armada, nous nous sommes scindés en petits groupes amenant avec nous cheptel et autre matériel, et avons rejoint la forêt toute proche sans attirer l’attention de l’ennemi, avant que nos éléments n’atteignent la route Imoula N Terbouthine, nous aperçûmes les forces adverses qui nous faisaient face. À noter que nos forces se composaient d’une centaine d’éléments, mal armés, dont la majorité n’était dotée que de fusils de chasse. À 10 heures du matin, les moudjahidines ont accroché les militaires français et le combat a commencé avec une forte ténacité.
Le corps à corps était inévitable. Venant à la rescousse, l’aviation n’a pu intervenir de peur de se tromper de cible. Ce jour-là, la météo nous a été favorable, car il pleuvait à torrents et le brouillard envahissait la région. À chaque coup, nos tirs faisaient mouche et nombreux sont les militaires ennemis qui ont mordu la poussière, dont un lieutenant. Devant la fougue de nos valeureux moudjahidines, l’ennemi s’est replié et a battu en retraite tout en ordonnant à l’artillerie de pilonner nos positions. En cette journée mémorable, les forces adverses ont laissé sur le terrain plus d’une centaine de morts et autant de blessés. Quant à nos pertes, elles s’élèvent à 40 moudjahidines tombés au champ d’honneur et 2 prisonniers. De cette bataille, nous avons récupéré 4 mitraillettes et MAT 49 et un fusil Masse 50 avec jumelles.
Devant les pertes subies, le commandant des forces ennemies, en l’occurrence le général Gracier (9e division d’infanterie) a ordonné l’évacuation du village Aït-Ouabane, dont la population a subi les pires atrocités – y compris les femmes, les enfants et les vieillards. Le village a été bombardé, les maisons entièrement détruites et rasées. La population, par groupes dispersés, rejoint les villages limitrophes pour être hébergée et les familles des maquisards ont été dirigées vers le poste de Bouadnane. Ainsi fut la bataille d’Aït-Ouabane en cette journée du 11 décembre 1957, laquelle restera ancrée dans la mémoire des survivants et qui servira aux générations futures d’un temps d’histoire de notre glorieuse révolution ».
Société Un dessin animé racontant l'Algérie de 1955 bientôt sur France Télévisions