Quels sont les principaux indicateurs de la Loi de finances 2023 sur les perspectives de l'économie algérienne ? (contribution)

Marché du ramadan en Algérie

Adopté par l'Assemblée populaire nationale et ensuite par le Conseil de la Nation, le texte de Loi de finances pour 2023 n'a pas fait un grand débat en Algérie. Hormis quelques économistes qui l'ont commentée, cette loi est presque passée inaperçue. Pourtant, une loi de finances a un grand impact sur la vie des citoyens et l'économie du pays. Le Professeur Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique et docteur d'État depuis 1974, a bien voulu apporter son analyse de cette Loi de fiances et souligner ses avantages et ses inconvénients. Nous vous livrons donc cette contribution qui, bien évidemment, n'engage pas notre journal. 

Le fondement du développement au XXIe siècle repose sur la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. Et le grand défi pour l'Algérie, pays à importantes potentialités entre 2023/2030, le temps ne se rattrapant jamais en économie, devant raisonner toujours en dynamique, est le redressement économique, condition afin de placer l'Algérie comme pays pivot au niveau de la région, et donc accroître son poids dans les relations internationales, alléger au niveau interne le poids des forces de sécurité, existant un lien dialectique entre développement et sécurité, l'efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale.

Dans la Loi de finances prévisionnelle pour 2023, le prix de référence du baril de pétrole brut est de 60 dollars

Dans la Loi de finances prévisionnelle pour 2023, le prix de référence du baril de pétrole brut est de 60 dollars et le prix du marché du baril de pétrole brut est de 70 dollars. Les recettes budgétaires totales prévisionnelles 7.901,9 milliards de dinars en 2023 et les dépenses budgétaires devraient s'élever à 13.786,8 milliards de dinars. Les dépenses de fonctionnement devront augmenter de 26,9 % en 2023 pour atteindre 9.767,6 milliards de dinars dont la masse salariale globale devrait atteindre 4629 milliards de dinars durant le prochain exercice, ce qui représente 47,39 % du budget total dédié au fonctionnement et les dépenses d'équipement devront passer de 4.019,3 milliards de dinars. Le taux de croissance économique devrait atteindre 4,1 % en 2023. Les recettes des exportations de biens devraient atteindre 46,3 milliards de dollars en 2023.

Les importations de biens non compris les services (qui ont été en 2021 à environ 6/7 milliards de dollars) devraient diminuer à 36,9 milliards de dollars en 2023. S'agissant des exportations de biens à la fin de l'année en cours, elles devraient atteindre 56,5 milliards de dollars (dont 49,5 pour les exportations des hydrocarbures), contre 38,6 milliards de dollars en 2021. Les importations de biens au titre de l'année en cours devraient frôler les 38,7 milliards de dollars (37,5 milliards en 2021). Quant à la balance des paiements, elle enregistrera un excédent de 11,3 milliards de dollars (6,3 % du PIB), un niveau jamais atteint depuis 2014. Ainsi, la balance commerciale devrait enregistrer un excédent de 9,4 milliards de dollars en 2023, et la balance des paiements devrait enregistrer un excédent de 5,7 milliards de dollars.

Les réserves de change devraient passer de 55 milliards de dollars fin 2022 à 59,7 milliards de dollars fin 2023 représentant respectivement 16,3 mois d'importations de biens et services hors facteurs de production. Le déficit budgétaire, source d'inflation, de l'année 2023 atteindra 5.884,9 milliards de dinars (-22,5 % du produit intérieur brut), plus de 42,95 milliards de dollars (taux de change du 19/12/2022) 137 dinars un dollar contre environ 30 pour 2022, le fonds de régulation des recettes pour combler le déficit budgétaire, étant fonction de la différence entre le cours réel sur le marché international et celui retenu par la loi des finances. Ces données diffèrent légèrement de celles du FMI dans son rapport préliminaire de novembre 2022 concernant notamment le taux de croissance le taux d'inflation et du taux de chômage, tout étant fonction de l'évolution du cours des hydrocarbures qui révèle qu'en 2022, le solde des transactions courantes de la balance des paiements devrait afficher son premier excédent depuis 2013, avec une croissance du PIB projetée à 2,9 % en 2022, un taux d'inflation annuel moyen en 2022 de 9,4 % – dont la hausse devrait ralentir en 2023 tout en restant au-dessus de 8 % en moyenne sous réserve d'un assouplissement de la politique budgétaire – et un taux de chômage de 14 % en 2022 – qui devrait légèrement baisser en 2023.

Exportations de l'Algérie, hors hydrocarbures

Quant aux exportations hors hydrocarbures, il faudrait éviter des doubles emplois, les dérivés d'hydrocarbures étant inclus dans les recettes de Sonatrach et également dans la rubrique hors hydrocarbures. L'annonce en date du 18/12/2022 du ministre du Commerce de 5,5 milliards de dollars hors hydrocarbures, sans la mentalisation des produits exportés entre janvier et octobre 2022 inclut les dérivés d'hydrocarbures qui ont connu une hausse de prix importante en 2022 sur le marché international, devant donc donner le volume et les différentes subventions, pour une appréciation objective, qui représentent plus de 60 % de la valeur, avec une structure peu diversifiée où avec quatre à cinq produits bruts et semi-bruts, nous avons plus de 80 %.

Le caractère social est maintenu attendant la mise en œuvre et cela n'est pas propre à l'Algérie, du fait de la crise qui frappe la majorité des pays avec l'important déficit budgétaire et l'endettement public de bon nombre de pays développés une politique de subventions ciblées processus complexe du fait de l'effritement du système d'information et de l'importance de la sphère, informelle. Toute politique doit concilier l'efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, le budget annuel affecté aux transferts sociaux en 2023 étant estimé à plus de 5.000 milliards DA soit (au Taux de change de 137 dinars le dollar) 36,50 milliards de dollars pour un PIB évalué en 2023 à 185 milliards de dollars soit environ 20 % du PIB.

Dans la lutte contre les zones d'ombre l'on devra éviter, comme par le passé, les programmes spéciaux de wilayas sans objectifs précis, dépenser sans compter, qui ont solutionné des problèmes à court terme, mais non à moyen terme, un impact mitigé sur la situation sociale des populations. Toute nation ne peut distribuer que ce qu'elle a préalablement produit, le versement de salaires et de traitements sans contreparties productives conduit nécessairement , à terme, à la régression économique et sociale. Le projet de Loi de finances 2023 prévoit un relèvement des dépenses au profit d'une nouvelle hausse des salaires des fonctionnaires. Ces dépenses devraient ainsi augmenter de 23,55 % par rapport à 2022 où l'État devrait mobiliser une enveloppe de 3037,41 milliards de dinars durant l'année 2023 afin de couvrir l'impact financier de cette hausse des salaires et des systèmes de rémunération des employés en n'oubliant pas le déficit des caisses de retraite qui était en 2021 de 700 milliards de dinars, une partie du déficit ayant été épongé par l'État avec l'annonce en novembre 2022 du responsable d' un déficit s'élève à 376 milliards de dinars fin 2022.

Conjoncture favorable pour l'Algérie

L'Algérie doit profiter de cette conjoncture favorable, qui peut être passagère , devant méditer les leçons du passé de la chute drastique des recettes des hydrocarbures, recettes volatiles dépendantes de facteurs externes, qui ont conduit à de vives tensions sociales et politiques. Elle a un endettement extérieur relativement faible qui a été de 2,4 % en 2020, de 6,5 % en 2021 et une projection de 7,7 % en 2022, mais avec un accroissement de la dette publique, ayant représenté 50.7 % du PIB en 2020, 59,2 % en 2021 et de 65,4 % en 2022. Mais on ne peut continuer dans la trajectoire du passé, où selon un rapport du Premier ministère rendu public durant les trente dernières années à fin 2020,  l'assainissement des entreprises publiques a coûté au trésor public plus de 250 milliards de dollars et selon le Premier ministre de 1991 au 30 juin 2021,les opérations de réévaluation à répétition des projets d'équipements publics ont coûté à l'État 8 908 milliards de dinars sur la période 2005-2020,(65 milliards de dollars au cours du 20/12/2022 de 137 dinars un dollar ) soit une moyenne de près de 3,5 milliards de dollars par an.

Le redressement national est complexe face à différents blocages, ce qui explique qu'en 2022, l'économie algérienne dépend toujours pour ses exportations en devises des hydrocarbures (97/98 %) avec les dérivés inclus comme il a été noté précédemment dans la rubrique hors hydrocarbures. Sur le plan interne , l'on devra prendre en compte la forte pression démographique de plus de 45 millions en 2022 et 50 millions en 2030, avec une demande d'emploi additionnelle annuelle entre 3.50.000/400.000 qui s ‘ajoute au taux de chômage actuel. L'Algérie a besoin d'un taux de croissance de 8/9 % par an sur plusieurs années pour absorber un flux additionnel de demande d'emploi de 350'000/400'000 qui s'ajoute au taux de chômage 2021 estimé par le FMI environ 14 % , les sureffectifs dans les entreprises publiques, administrations et certains emplois improductifs étant estimés à 25/30 % et la sphère informelle qui selon des données contradictoires, représente 30/40 % du total et drainant selon les données du président de la République entre 6000 et 10000 milliards de dinars de la masse monétaire circulation, soit entre 33/45 % du PIB estimé en 2023 à 185 milliards de dollars.

Conclusion sur la Loi de finances 2023

En conclusion, la Loi de finances 2023 adoptée par le parlement, n'est qu'un document comptable retraçant annuellement, en statique, les recettes et des dépenses de l'État, devant l'insérer dans le cadre d'une planification stratégique. Et se pose cette question : quel seront les incidences sur les équilibres financiers du pays en 2023 , dépendant pour 98 % de ses recettes en devises des hydrocarbures avec les dérivées, du plafonnement et donc de l'écart avec celui du marché : du prix du pétrole par voie maritime du pétrole de la Russie à compter de janvier 2023 et des dérivés à compter de février 2023 s'il est étendu à d'autres pays. Et surtout celui du gaz, à compter de février 2023 où la Commission européenne a prévu des mécanismes de correction des marchés, activés dès que les prix observés sur le TTF (indice de référence européen) atteindront 180 euros par mégawattheure (MWh) durant trois jours, avec certaines conditions : les prix relevés sur le TTF devant être au moins supérieur de 35 euros au prix moyen du GNL (gaz naturel liquéfié) au niveau mondial, durant ces mêmes trois jours et que le mécanisme sera activé pour des périodes de vingt jours et désactivé automatiquement une fois ce laps de temps écoulé.et si la demande de gaz augmente de 15 % en un mois ou de 10 % en deux mois, les importations de GNL diminuent significativement. Or, la majeure partie des exportations de l'Algérie se fait par canalisation Medgaz et Transmed orientées vers l'Europe, les canalisations liant d'une manière rigide l'exportateur à une zone géographique donnée, les marges de manœuvre sont réduites et le GNL offre davantage de flexibilité.

Retour en haut
Share via
Copy link