Commission mixte sur la mémoire : Les historiens français en majorité pieds-noirs

Algeria and France flag together realtions textile cloth fabric texture (Source : Getty Images)

La question de la mémoire demeure le maillon faible des relations algéro-françaises. Les visions sont différentes et s'apposent sur plusieurs points. L'Algérie et la France ont vécu une guerre sanglante. Chaque partie tente de tirer la couverture vers elle-même. Les historiens des deux pays divergent sur le fonds et la forme. Pour rapprocher les points de vues, les deux pays ont décidé de mettre en place une commission mixte. Cette décision a été  annoncée au lendemain de la visite du président français Emmanuel Macron en Algérie, en aout 2022. La composante de ladite commission est désormais connue des deux rives. 

Du côté français, cette composante a été rendue publique non par les instances officielles françaises, mais plutôt par l'historien Benjamin Stora, un des conseillers du président français sur ce dossier et auteur d'un rapport sur la mémoire, remis en janvier 2021. Elle est composée en plus de Benjamin Stora, de Tramor Quemeneur, auteur de nombreux ouvrages sur la guerre d’Algérie, qui officiera comme secrétaire général de la partie française de la commission. Jacques Frémeaux, spécialiste de l'invasion française de l’Algérie, Florence Hudowicz, conservatrice en chef du patrimoine et co-commissaire de l’exposition sur l’émir Abdelkader au Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), à Marseille en 2022. Jean-Jacques Jordi, historien et auteur d’ouvrages sur les Européens d’Algérie, figure lui aussi parmi les historiens désignés au sein de cette commission.

Cependant, cette composition, qui a pour principal objectif de rapprocher les points de vues entre les deux parties, est déjà remise en cause. Pour les observateurs, elle ne pourra aller dans le sens de la réconciliation des mémoires étant donné que la majorité des membres de la commission sont des pieds noirs, dont certains sont nostalgiques de l'Algérie française. Donc, ce travail est à priori handicapé par une vision que l'Algérie rejette.

Les historiens français vont-ils défendre une vision française de l'histoire de la guerre d'Algérie ?

En effet, parmi les cinq historiens membres du comité côté français, trois sont pieds-noirs. Ils sont nés, en Algérie sous l’Occupation. Il s'agit de : Benjamin Stora, né à Constantine, Jacques Frémaux, né en Algérie et qui l’a quittée en 1962 alors qu’il avait 13 ans, Jean-Jacques Jourdi, qui est né à Bordj El Kiffan en Algérie. Ces historiens dans leurs écrits étaient surtout proches des thèses des nostalgiques de l'Algérie française.

Jacques Frémaux a écrit « Algérie 1830-1914 : naissance et destin d'une colonie ». Dans cet ouvrage l'historien met dos à dos les Algériens qui se sont battus pour leur indépendance et les Français qui étaient les colonisateurs. Dans ce livre l'historien a analysé « la mentalité des hommes qui ont déclenché la conquête et de ceux qui ont résisté, la violence qui se déchaine des deux côtés, les erreurs manifestes et les bonnes intentions parfois funestes ». Pour cet historien, la fracture entre l'Algérie et la France est seulement due au choix de l'Algérie après l'indépendance.

De son côté, Jean-Jacques Jourdi a écrit, entre autres, « Les harkis, une mémoire enfouie ». Dans ce livre, qui est devenu une référence pour les harkis, l'auteur a défendu leur cause, alors que pour les Algériens le choix de ces hommes de se battre pour la France n'est qu'une trahison.

Pour conclure, il faut dire que le choix de Benjamin Stora et de son équipe répond à une volonté de défendre une vision française de l'histoire de la guerre d'Algérie. Une version que l'Algérie n'accepte pas. Reste à savoir si cette commission pourra faire ce travail de réconciliation, alors que certaines versions de l'histoire sont irréconciliables.

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