C’est carrément un cri de détresse que des responsables de Médecins sans frontières (MSF) viennent de lancer. En effet, Isabelle Defourny et Claudia Lodesani, respectivement présidente et responsable de l’antenne libyenne de l’ONG internationale ont, dans une tribune publiée par Le Monde, vertement critiqué les politiques migratoires européennes. Elles appellent les dirigeants du continent, réunis jeudi 9 février à Bruxelles, à rompre avec ce qu'elles appellent « des politiques qui cautionnent la mise en danger en mer de milliers de personnes ».
La tribune, signée par les deux responsables, prend tout son sens quand on sait qu’elle vient au moment où la France s’apprête à s’« armer » d’une nouvelle loi sur l’immigration. Et les deux responsables ne sont pas allées avec le dos de la cuillère pour fustiger cette loi qu’elles qualifient d’« inhumaine ». « Le débat autour du projet de loi proposé par le gouvernement en matière de migration, hypocritement intitulé "contrôler l’immigration, améliorer l’intégration", est l’occasion d’une nouvelle mise en scène de l’équilibre fallacieux entre "humanité" et "fermeté" », ont-elles écrit.
Politique migratoire : Médecins sans frontières condamne le double discours des dirigeants français
MSF dénonce, dans ce sens, « le double discours des dirigeants français qui, en novembre 2022, appelaient à […] respecter les engagements européens […], tout en annulant l’accueil prévu de trois-cent-cinquante réfugiés en provenance d’Italie ». « Cette ambivalence risque d’être le fil rouge d’un Conseil européen extraordinaire qui se tiendra les jeudi 9 et vendredi 10 février, lors duquel les chefs d’État de l’Union européenne tenteront, pour la énième fois, d’aboutir à une doctrine commune en matière de migration sur la base d’objectifs inconciliables », ajoutent les deux responsables.
Lutte contre l'immigration : le gouvernement Meloni en violation du droit international
Aussi, l'ONG n’a pas été tendre avec le gouvernement italien qui, assure-t-elle, est en violation du droit internationale. « Le Parlement italien discute en ce moment le vote du décret-loi approuvé par le gouvernement de Giorgia Meloni en janvier, qui vise à réduire considérablement les activités des navires de sauvetage en mer des ONG, et ce, en violation du droit international maritime », peut-on, en effet, lire dans la tribune publiée le 8 février 2023. Et d’ajouter plus loin : « en parallèle, l’Italie assigne, pour le débarquement des rescapés, des ports de plus en plus éloignés des zones de recherche, à plusieurs jours de navigation, au mépris de l’état de fatigue et de choc des personnes secourues et, là encore, du droit maritime ».
« Aujourd’hui, la marine italienne continue d’assurer l’essentiel des secours en mer. Les rares bateaux des ONG encore présents en mer représentaient à peine 12 % des personnes débarquées en Italie », rajoute Médecins sans frontières.
Crimes contre l'humanité et complicité des dirigeants européens, comme « monsieur Macron »
Les deux signataires de la tribune ont également rappelé que « le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a conclu en 2021 que des crimes contre l’humanité étaient perpétrés à l’encontre des migrants en Libye ». Et « l’Union européenne, elle-même, n’a cessé de répéter que la Libye n’était pas un "pays sûr" pour les migrants », rappellent encore les deux responsables. « Pourtant, selon les données de l’Organisation internationale pour les migrations, plus d’un tiers des personnes ayant tenté de traverser la Méditerranée centrale en 2022 ont été interceptées et ramenées de force par les garde-côtes libyens vers les centres de détention en Libye », finissent-elles.
« Il est temps pour celles et ceux parmi les dirigeants européens, comme monsieur Macron, qui prétendent encore se trouver du côté du droit, de l’humanité et de la solidarité, de cesser d’être complices des pulsions les plus ouvertement xénophobes en Europe d’une part, et de ceux qui se rendent coupables de crimes contre l’humanité en Libye, de l’autre », conclut l’antenne libyenne de Médecins sans frontières.