Les incendies qui ravagent, depuis le 9 août, le nord de l’Algérie et particulièrement la Kabylie ont fait plus de 75 morts, dont 69 dans la seule wilaya de Tizi-Ouzou. L'ampleur des dégâts démontre selon les spécialistes le grand retard qu'accuse l’Algérie en matière de prévention et surtout dans la lutte contre les incendies.
Aux premières heures du déclenchement des incendies qui continuent de ravager une bonne partie du nord de l’Algérie, plusieurs voix se sont élevées pour remettre en cause le manque de moyens mis en place par les pouvoirs publics pour venir à bout de ces feux ravageurs. Manque d'effectifs de la Protection civile, absence de postes de surveillance des incendies, absence de moyens héliportés pour la lutte contre les feux et manques de campagne de sensibilisation sur les dangers des feux.
« L'Algérie a une approche de la sécurité et de la protection civile qui est restée très classique »
Des griefs qui trouvent écho chez des spécialistes, qui estiment que l'ampleur des incendies qui ravagent le pays doivent donner à réfléchir aux pouvoirs publics quant à la stratégie qui devra être mise en place en matière de sécurité civile, pour éviter de revire le scénario apocalyptique de cet été 2021. « Les menaces qui ne sont pas conventionnelles n’ont pas vraiment été intégrées par toute une génération de politiques publiques, de responsables sécuritaires », estime à ce propos Ghribil Shams, spécialiste des mouvements sociaux en Algérie.
Dans un entretien accordé ce samedi 14 août au quotidien français 20 Minutes, Ghribil Shams a évoqué le manque de moyens mis en place par l'État algérien lors de ces incendies qui frappent le pays. « L'Algérie n’est pas équipée en Canadair. C’est un des éléments qui prouve que ce pays a une approche de la sécurité et de la protection civile qui est restée très classique. Une approche à l’ancienne, qui n’a pas évolué, qui ne s’est pas adaptée, car l’Algérie est un pays qui s’est beaucoup concentré sur la lutte antiterroriste », explique-t-elle.
Feux de forêt en Algérie : La spécialiste constate un manque de prévention
Selon la spécialiste « une loi a été adoptée pour faire face aux séismes, car c’est une zone sismique, mais pas pour tout ce qui était menace non conventionnelle, de type incendie de masse ou même de type épidémique, comme pour le Covid-19. On a vu qu’il y avait vraiment une énorme fragilité pour faire de la prévention, mais aussi pour lutter et traiter le problème, comme l’ont fait les pays de la sous-région ».
« La loi votée il y a quelques années s’appliquait plutôt aux inondations et, dans une certaine mesure, aux séismes. Ce sont les menaces qu’on connaît, qui arrivent de manière cyclique en Algérie. Mais ce qui se passe actuellement est complètement inédit », explique-t-elle.
« La présence des Canadairs n’aurait pas changé fondamentalement le problème »
Pour Ghribil Shams, les incendies qui frappaient auparavant l’Algérie étaient « des micro-incendies » comparés à ce qui se passe aujourd’hui. « Aujourd’hui c’est tout l’ouest du pays, plus de 70 communes, sur l’un des plus importants massifs forestiers de la Méditerranée occidentale, qui brûle », explique-t-elle. « On est donc sur quelque chose de totalement inédit, ce qui pose quand même la question de l’absence de Canadairs. Mais même si ce manque de matériel est choquant, leur présence n’aurait pas changé fondamentalement le problème », ajoute la spécialiste.
« C'est une destruction de masse, un acte terroriste de masse »
Questionné sur l'origine de ces incendies, Ghribil Shams n'a pas écarté la piste criminelle. « Bien sûr il y a des conditions climatiques, la canicule, il y a tout le bouleversement climatique que connaît toute la Méditerranée, mais cette conjoncture a été exploitée pour amplifier le problème. Même s’il y avait eu deux canadairs, comme certains voisins, dont le Maroc, même s’il y en avait cinq ou même dix le problème n’aurait pas significativement changé. C’est une destruction de masse, c’est un acte terroriste de masse », affirme cette spécialiste des mouvements sociaux en Algérie.