Les musulmans quittent la France en silence

Une femme musulmane sur fond d'un avion dans le ciel

Les immigrés – et particulièrement les musulmans – sont devenus les cibles de nombreux candidats à la présidentielle. Une situation qui n'est pas nouvelle et qui pousse de plus en plus de musulmans, notamment des cadres supérieurs, à quitter la France, comme le rapporte une enquête du journal américain The New York Times.

Les thèmes de l'immigration et de l'Islam occupent une place importante dans la campagne pour la prochaine élection présidentielle en France. Les candidats de la droite, de l'extrême droite ou même certains de gauche ne cessent de stigmatiser les étrangers et les musulmans dans leurs discours, au point où de nombreux musulmans affichent ouvertement leur désir de quitter la France pour rejoindre d'autres pays.

Dans une enquête publiée le 13 février par le grand quotidien américain The New Yourk Times, de nombreux français de confession musulmane ont témoigné sur les raisons qui les ont poussés à quitter la France. Artistes, écrivains ou ingénieurs, ces français musulmans ont décidé de quitter « en silence » l'Hexagone pour rejoindre d'autres cieux plus cléments à leurs yeux.

Les musulmans, qui représentent 10 % de la population française selon les estimations, occupent une place « étrangement disproportionnée » dans la campagne pour la prochaine présidentielle, « même si leurs voix se font peu entendre », écrit le journal américain. Les musulmans sont associés à la criminalité ou à d'autres fléaux sociaux, selon la même source.

Les causes de la fuite des musulmans français vers d'autre pays

À ce propos, l'enquête a cité les expressions-choc utilisées par les candidats de la droite et de l'extrême droite à l'égard des immigrés et des musulmans de France. La candidate de la droite Valérie Pecresse avait qualifié certains quartiers à majorité d'immigrés de « zones de non-France », au moment ou le candidat Éric Zemmour a déclaré que « les employeurs avaient le droit de refuser des Noirs et des Arabes ».

Le journal ajoute que le problème qui revient souvent en France est celui l'immigration, au point où ce pays a perdu pour cette raison – en quelques années seulement – de nombreuses compétences hautement qualifiées qui cherchaient plus de dynamisme et de meilleures opportunités ailleurs.

Parmi ces compétences qui ont quitté la France, le journal cite un nombre important de musulmans français qui affirment que « la discrimination a été facteur déterminant » derrière la décision d'émigrer. Ces derniers affirment qu'ils se sont sentis obligés de quitter le France en raison d'un mélange de stéréotypes et de questions lancinantes sur leur sécurité et le sentiment de non-appartenance à la France .

En 2020, les actes anti-musulmans en France étaient en hausse de 52 % rapport à 2019, rappelle le journal américain. Sur le marché du travail, les candidats avec des noms à connotation arabe ont 32 % moins de chances d'être contactés pour un entretien d'embauche, selon un rapport gouvernemental publié en novembre 2021. Un état de fait qui pousse de plus en plus de musulmans à quitter la France, selon la même source.

En France, l'identité pause problème

« Il n'y a qu'à l'étranger que je suis français »

C'est le cas de Sabri Louatah, un romancier français, petit-fils d'immigrés algériens, qui a décidé de quitter la France en 2015 pour s'installer à Philadelphie aux USA. « C'est vraiment les attentats de 2015 qui m'ont fait partir. J'ai compris qu'on n'allait pas nous pardonner », déplore le jeune écrivain de  38 ans. « Quand on vit dans une grande ville démocrate sur la côte Est, on est plus tranquille que dans Paris, où on est au cœur du chaudron », ajoute-t-il.

« Il n'y a qu'à l'étranger que je suis français », témoigne pour sa part Amar Mekrous, âgé de 46 ans, qui a grandi en banlieue parisienne auprès de parents immigrés avant de décider de s'installer en Angleterre après les attentats de 2015. « Je suis français, je suis marié à une Française, je parle français et je vis français. J'aime la bouffe, la culture française. Mais dans mon pays, je ne suis pas français », explique-t-il.

« La France se tire une grosse balle dans le pied »

Ni les politiciens, ni les médias français n'évoquent ce phénomène de la fuite des musulmans français vers l'étranger, alors même qu'il témoigne, selon des chercheurs cités par le journal américain, de « l'échec de la France à garantir un ascenseur social même aux membres les plus brillants de l'une de ses plus importantes minorités d'une fuite des cerveaux de ceux qui pourraient servir de modèles d'intégration ».

« Ces personnes vont participer à l'économie de pays comme le Canada et la Grande-Bretagne », affirme Olivier Esteves, professeur au Centre d'Études et de Recherches Administratives, Politiques et Sociales de l'Université de Lille, où une enquête a été menée auprès de 900 Français musulmans ayant quitté le pays. « La France se tire une grosse balle dans le pied », ajoute le chercheur.

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