Les Algériens ne comprennent que le rapport de force et ne sont intéressés que par les visas, affirme Xavier Driencourt

Montage : Photo de Xavier Driencourt sur fond de drapeaux de l'Algérie et de la France

L'ex-ambassadeur Xavier Driencourt, qui vient de publier un livre sur l'Algérie, s’est adonné à quelques confidences sur les relations entre la France et l’Algérie. Ambassadeur de France à Alger de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, Driencourt est le diplomate français qui aura passé le plus de temps en poste en Algérie.

Alors que son livre L'énigme algérienne - Chroniques d'une ambassade à Alger, vient de sortir dans les librairies en France, Xavier Driencourt est revenu dans un entretien accordé ce mercredi 16 mars à l’AFP sur son long parcours diplomatique en Algérie. Il a notamment abordé les différents aspects de la relation franco-algérienne.

Rapports de forces et visas : Driencourt jette un pavé dans la mare

Pour l’ancien diplomate français, qui a passé plus de sept années en Algérie, « la France doit avoir une position beaucoup moins timorée  vis-à-vis de l’Algérie si elle veut tourner la page, 60 ans après l’indépendance de ce pays, et construire une relation équilibrée ».

Selon lui, les Algériens « ne comprennent que le rapport de force ». Ce qui nécessiterait « un discours qui soit plus clair » de la part de la France, estime-t-il.

Xavier Driencourt, qui a exercé en Algérie durant le règne de Abdelaziz Bouteflika et a surtout assisté au mouvement de protestation populaire du Hirak, est revenu sur la récente crise diplomatique entre Alger et Paris. Une crise survenue à la suite des propos tenus par le président français Emanuel Macron sur le régime algérien. Cette crise est accentuée par le dossier des visas et les questions de la mémoire et tout ce qui est lié à la période coloniale.

Pour l’ex-ambassadeur de France à Alger, 60 années après l'indépendance, l’Algérie s’éloigne de plus en plus de la France tout en diversifiant ses relations avec de nouveaux partenaires, notamment la Chine. « Dans le fond, les Algériens ont fait le choix de la Chine. Nous, ils nous mènent en bateau », lance-t-il.  Pour Xavier Driencourt, ce qui lie encore l’Algérie à la France est la question des visas. « Il n’y a qu’une chose qui les intéresse dans la relation avec la France, ce sont les visas », assène-t-il.

Pour l’ex- diplomate, « la France est paralysée vis-à-vis d’Alger de peur de fâcher, subir des mesures de rétorsion, perdre l’attention d’un acteur clé pour la sécurité au Sahel et la lutte contre l’immigration clandestine ». « Il faut qu’on ait une position moins timorée, beaucoup plus forte », affirme le diplomate. « Nous avons trop souvent tendu l’autre joue après avoir reçu une gifle », ajoute-t-il encore. Des propos qui rejoignent ceux tenus récemment par le candidat Éric Zemmour.

Relations entre la France et l'Algérie : Une histoire de politique interne ?

Dans son témoignage, Xavier Driencourt est allé jusqu'à reprocher aux responsables politiques français de « ne pas avoir une vision lucide et saine de la relation bilatérale » avec l’Algérie. Selon lui, le gouvernement français doit traiter la relation avec l’Algérie comme une affaire interne à la France. Parce que pour lui « l’Algérie, c’est autant de la diplomatie que de la politique intérieure française ».

Pour l'ex-ambassadeur de France à Alger, les responsables de son pays « doivent en permanence composer entre des intérêts contradictoires, ceux des rapatriés qui se cristallisent en partie dans un vote d’extrême droite et ceux des Français issus de l’immigration algérienne qui ont toujours un regard tourné vers Alger ». Selon Driencourt, ces intérêts contradictoires ont conduit les autorités françaises « à avoir une gestion toujours minimaliste » de leurs relations avec l’Algérie.

D’ailleurs, Xavier Driencourt, a cité la période du Hirak qui avait marqué la fin de règne des 20 ans de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Un période que le diplomate a suivi en sa qualité d’ambassadeur de France à Alger. « Pendant la crise du Hirak, on a trouvé cette formule miraculeuse "ni ingérence ni indifférence" parce que c’était ce qui nous gênait le moins. C’est difficile dans ce contexte-là d’avoir une relation équilibrée », estime l’ex-ambassadeur de France à Alger.

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