L'on sait désormais qui est derrière la manipulation dont a été coupable le journaliste franco-marocain de BFM-TV Rachid M'Barki, que la direction de la chaîne a suspendu. La cellule Investigation de Radio France a mené une enquête approfondie, avec le consortium « Forbidden Stories », pour révéler en fin de compte que la chaîne française a été victime d'une agence de désinformation israélienne dirigée par d'anciens de l’armée et des services secrets.
France TV Info a publié les résultats de l'enquête qui a révélé que BFM TV n'est pas la seule victime de ces manipulateurs repérés en Israël. Des médias, des partis et même des gouvernements ont subi les actions nocives de cette agence de désinformation dont les locaux sont situés entre Tel-Aviv et Jérusalem.
Des brèves (textes de 40 secondes environ sur fond d'images illustratives) fournies « clés en main »pour le compte de clients étrangers sont passées à l'antenne de BFM TV sans validation de la rédaction en chef et au mépris de la ligne éditoriale. Le Franco-Marocain, Rachid M'Barki est passé aux aveux et a confessé une « erreur de jugement journalistique » pour « rendre service à un ami ».
Rachid M'Barki : Des informations biaisées à faire passer à l'antenne
Pourtant, ce sont des opérations d'entrisme menées par d'anciens militaires et éléments des services de renseignements israéliens qui passent des « informations biaisées » pour les passer à l'antenne. Les cibles : des oligarques russes, le Qatar, le Soudan, le Cameroun, le Sahara « marocain »… La « Team Jorge » qui n'a aucune existence légale s'attaque à tout, sauf à la politique nationale américaine, la Russie et Israël, et c'est elle qui est à l'origine de l'état de choc dans lequel se trouve la rédaction de BFM TV.
Les enquêteurs de Radio France, alertés par un de leurs collègues, Frédéric Métézeau, qui participe de son côté à une vaste enquête baptisée « Story Killers », vont jusqu'à Israël, vers la petite localité de Modiin, entre Jérusalem et Tel-Aviv. C'est là que se trouve le bureau, digne des agences des services secrets, de « Team Jorge », un nom donné par les enquêteurs à l'équipe de Jorge qui se présente comme le chef de l'équipe, alors que Jorge n'est pas son vrai nom.
Un ex- des forces spéciales de l'armée israélienne à la tête d'une boîte de désinformation
En fait, les investigations ont révélé que Jorge n'est autre Tal Hanan, un spécialiste des explosifs, un ancien des forces spéciales de l'armée israélienne et ancien officier de liaison de la même armée auprès de l'armée américaine. Il est à la tête de deux sociétés opérant dans la sécurité et le renseignement, précise l'article de France TV Info.
Quelles sont les missions de la « boîte » de Tal Hanan ? En contrepartie de grosses sommes d'argent, la « Team Jorge » touche à tout, selon les trois journalistes (un Français et deux Israéliens) qui ont infiltré la boîte pour le compte de l'enquête. Cette même boîte compte des employés se présentant comme des anciens officiers de l'armée israélienne ou des services de renseignements et des experts en information financière, en questions militaires, en guerre psychologique ou en médias sociaux.
AIMS : Un logiciel créateur de milliers de faux profils
A en croire Tal Hanan, qui intervenait en tant que Jorge, sa boîte est intervenue dans 33 campagnes électorales pour des présidentielles, en majorité en Afrique. Comme précisé plus haut, ils interviennent partout sauf aux USA, en Russie et en Israël. Son action principale : la désinformation sur la Toile.
Avec l'aide d'une plateforme numérique nommée AIMS (solutions avancées pour un impact médiatique), la boîte fabrique des milliers de faux profils et les active sur les plus grands réseaux sociaux. Elle crée des avatars, des faux profils (bien développés) qui publient leurs soi-disant opinions avec l'objectif d'influencer les utilisateurs sur Internet.
"Ils ne s'interdisent d'intervenir que dans trois domaines : la politique nationale américaine, la Russie et Israël"
Enquête sur une agence de désinformation israélienne, dirigée par des anciens de l’armée et des services secrets. @FredMetzo @FbdnStorieshttps://t.co/vlQ1vDE81s
— Alice Froussard (@alicefrsd) February 15, 2023
Pour convaincre ses interlocuteurs/enquêteurs, Tal Hanan diffuse une fausse information sur la mort d'un animal très populaire aux USA, l'émeu Emmanuel. En quelques heures, le hashtag #RIP_Emmanuel devient viral sur Twitter et Facebook grâce à des centaines de comptes générés par le logiciel AIMS qui commentent l'information sur la mort du volatile, au point où l'information figure en tendances Twitter en Slovaquie. Au point où la propriétaire de l'émeu, se réveillant le matin, découvre l'information et court vers la grange pour vérifier si Emmanuel avait un souci.
AIMS : Plusieurs élections sabotées dans le monde
Le quotidien français Le Monde a référencé les comptes Twitter utilisés dans l'affaire de l'émeu Emmanuel et a découvert qu'ils avaient été utilisés dans environ 20 autres opérations de désinformation. « AIMS est capable de générer des éléments techniques qui lui permettent vraiment de se faire passer pour un humain », témoigne un journaliste du Monde. La boîte a participé au sabotage de plusieurs élections, à l'instar du 1er référendum sur l'indépendance de la Catalogne de novembre 2014. Elle a même réussi à arracher le report d'un vote en Afrique, une action facturée à 6 millions d'euros.