Résolution du parlement européen sur l'Algérie et réactions algériennes

Parlement européen - Corruption - Maroc - Qatar

Le parlement européen a discuté en plénière la situation des droits de l'Homme en Algérie, notamment en ce qui concerne la liberté de la presse. Il a voté une résolution pour exprimer ses préoccupations et ses recommandations. À cette résolution, le Sénat et le Parlement algérien ont réagi, condamnant cette résolution qu'ils considèrent comme une ingérence dans les affaires internes du pays.

Réuni en plénière le jeudi 11 mai, le parlement européen a voté une résolution1 qui invite les « autorités algériennes à respecter et à promouvoir les libertés fondamentales, en particulier la liberté des médias, consacrée à l’article 54 de la constitution algérienne ». Il réclame également d'autoriser de « nouveau les médias qu’elles ont interdits et à mettre un terme aux arrestations et aux détentions d’activistes politiques, de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de syndicalistes ». Le parlement européen a profité de cette résolution pour témoigner « sa solidarité aux citoyens algériens qui manifestent pacifiquement depuis 2019 ».

Le parlement européen appelle également dans cette résolution « les autorités algériennes [à] modifier les dispositions du Code pénal algérien, notamment les articles 95 bis et 196 bis, qui ont trait à la sécurité et qui sont utilisées pour criminaliser la liberté d’expression, ainsi que d’aligner les lois restreignant la liberté d’expression sur les normes internationales en matière de droits de l’homme, en particulier sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l’Algérie a ratifié ».

Cette résolution, adoptée à une grande majorité, à savoir 536 voix pour, 4 contre et 18 abstentions, rappelle, « comme convenu conjointement dans les priorités du partenariat UE-Algérie, qu’une presse pluraliste est essentielle pour consolider l’état de droit et les libertés fondamentales, notamment la liberté des médias et la liberté d’expression ».

Le Sénat algérien réagit à la résolution du Parlement européen

À la suite du vote de cette résolution, le Sénat algérien a réagi. Le bureau de ce conseil a rejeté la résolution et a affirmé sa désapprobation absolue de la décision du Parlement européen. Le Sénat considère cette résolution comme « tronquée contenant de terribles erreurs, adossée et enveloppée de principes de droit international, qui en réalité ne sont qu’une couverture » et les « principes moraux ne sont qu’un prétexte ». Le Conseil de la nation indique que cette résolution est une « ingérence » dans les affaires algériennes.

Le conseil de la nation va encore plus loin en affirmant que le Parlement européen est devenu une « institution habituée à pratiquer la politique de l’arrogance et de la supériorité, réclamant le respect des droits de l’Homme dans certains pays, tout en les massacrant dans d’autres ». Il rappelle la situation en Palestine et indique que le PE pratique le « principe de deux poids deux mesures, et à ne pas nourrir de ressentiment et sa haine apparente contre les pays qui ne se conforment pas à sa politique et l’exhorte à rechercher plus de crédibilité et à faire preuve d’enthousiasme – comme il l’a montré sur d’autres régions géographiques du monde ».

L'Assemblée nationale algérienne réagit à la résolution européenne

Comme il fallait s'y attendre, l'Assemblée populaire nationale (APN) n'a pas attendu pour condamner la résolution du Parlement européen. L'APN considère le contenu de la résolution « infondé et erroné ». Emboîtant le pas au Conseil de la nation, l'APN considère cette résolution comme « une immixtion éhontée dans les affaires internes du pays ». Ainsi, pour les députés algériens, le contenu de la résolution est « totalement infondé, erroné, et loin de la vérité sur la situation en Algérie où la scène médiatique connaît une dynamique, une ouverture et une liberté ». Il s'agit d'« une immixtion éhontée du Parlement européen dans les affaires internes de notre pays, résolument déterminé à amorcer un véritable décollage à travers l'édification de ses institutions constitutionnelles souveraines », ajoute l'Assemblée populaire nationale .

Pour ces députés, il s'agit d'une atteinte à la souveraineté nationale. « Souveraine dans ses décisions et ses positions, l'Algérie croit en le principe d'égal à égal dans ses relations avec les pays du monde, y compris l'Union européenne, et ne tolère d'aucune manière la politique des deux poids deux mesures qui sert des agendas connus de tous », affirme l'APN.

L'APN reproche également au Parlement européen d'avoir ignoré « le canal direct de communication entre les deux instances, à savoir la Commission parlementaire mixte "Algérie-UE" qui vient d'avoir un nouveau président, élu par la partie européenne suite à la démission de l'ancien pour son implication dans des affaires de corruption ».

L'APN rappelle également au PE le récent scandale qui l'a secoué2. « On est par conséquent en droit de s'étonner des pratiques d'une institution parlementaire dont la crédibilité est entachée par les scandales de corruption et de pot-de-vin3, une institution qui ferme les yeux sur les souffrances du peuple palestinien, meurtri, opprimé et agressé, et tourne le dos au peuple sahraoui occupé dont les richesses sont pillées simplement pour avoir revendiqué son droit à recouvrer ses territoires et sa liberté », indiquent les députés algériens.

La visite d'Abdelmadjid Tebboune en France est-elle compromise ?

Il faut dire que cette résolution parvient à quelques semaines de la visite prévue d'Abdelmadjid Tebboune en France. Les observateurs s'interrogent des incidences de cette résolution sur cette visite étant donné que les eurodéputés français font partie de ceux qui ont voté la résolution. Plus encore : les députés du parti de Macron ont voté cette résolution, ce qui peut être à l'origine d'une nouvelle crise diplomatique entre les deux pays et qui pourrait hypothéquer la visite d'Abdelmadjid Tebboune en France.


  1. RC-B9-0242/2023, Parlement européen 

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