Les femmes sont discriminées en Algérie. Les associations de défenses des droits des femmes ne cessent d'alerter sur cette situation. Victimes de violences conjugales, qui peuvent arriver aux féminicides, de discriminations en tous genres, les Algériennes doivent se battre pour exister. Ce constat est partagé par la chanteuse franco-algérienne Souad Massi qui n'a pas mâché ses mots pour dépeindre une société inégalitaire.
En effet, la chanteuse engagée a affirmé dans une interview accordée au journal Le Monde qu'elle a grandi dans une société où les femmes sont invisibles. Invisibles parce que « c'était une société d’hommes ! Où les règles étaient faites par les hommes, pour les hommes, et à leur seul bénéfice. Les femmes, petits êtres inférieurs, n’étaient là que pour les servir. Leur sort était joué à la naissance, leur sexe les condamnait à un destin de recluses. Pas de sorties, pas d’éducation, pas de liberté, pas de vie publique. Elles étaient des oiseaux en cage ».
Le constat est donc sans concession. La chanteuse n'y va pas par mille chemins pour dézinguer la société patriarcale. Retournant à son enfance, Souad Massi raconte : « je passais tout mon temps, enfant, avec ces femmes de ma famille et nos voisines, que je trouvais magnifiques et talentueuses. J’écoutais les conversations, j’observais les regards. Ce qui me frappait, c’était la tristesse et la mélancolie de ces femmes. Cela me semblait injuste. Et cette différence avec la liberté des hommes m’était incompréhensible ».
Dès son jeune âge, la chanteuse a pris conscience de sa condition de femme entravée. Cependant, elle se souvient d'une enfance bercée par une grand-mère merveilleuse. « Jusqu’à mes 5 ans, par ma grand-mère paternelle m’a donné très tôt, je crois, une maturité. Elle était pudique, raffinée. Et elle inventait des poèmes qui m’enchantaient. C’était ma Shéhérazade. J’adorais sa compagnie, j’y apprenais des tas de choses, et j’étais révoltée par l’avenir qui m’attendait en tant que femme ».
Pour pouvoir exister et jouir de sa liberté, Souad Massi a eu une stratégie : « Je suis devenue un vrai garçon manqué. Devenir un homme me semblait la seule échappatoire. Un homme libre, puisqu’une femme libre n’existait pas. Un homme sportif, musclé, qui pourrait se défendre − je faisais trois heures de sport par jour, j’étais épuisée. Un homme à qui personne n’oserait dicter sa conduite », explique la chanteuse.
Victime d'une société patriarcale, la chanteuse a également parlé des hommes qui sont, selon elle, « eux-mêmes prisonniers d’une doctrine. Ils se sont piégés eux-mêmes. Ce système est d’une perversion absolue ». La musique était donc une véritable échappatoire pour cette chanteuse très connue. « Heureusement que j’avais la musique ! L’espace public étant réservé aux hommes, j’étais interdite de café ou de balade en ville. C’est donc dans la musique que je trouvais ma liberté », affirme-t-elle.
Revenant sur sa vie, elle a raconté un épisode qui l'a bouleversé : « j'ai vécu en 2017 une tragédie familiale. Mon ex-mari, avec qui j’étais alors en instance de divorce, a eu l’intention d’assassiner nos deux petites filles en les droguant et en tentant, à l’aide d’une bonbonne de gaz dissimulée dans leur chambre et de 40 litres de pétrole, de faire sauter la maison », raconte-t-elle. Il faut rappeler que ce mari a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour avoir tenté d’assassiner leurs deux filles.