Une nouvelle affaire de « signe religieux » provoque la polémique en France. Il s'agit de l'abaya, une tenue ample féminine qui serait à la mode chez les élèves de confession musulmane. Alors que les autorités persistent et signent que cet habit, à l'instar du qamis, porte atteinte à la laïcité, les dignitaires musulmans en France estiment pour leur part que « l'abaya n'est pas un signe religieux musulman ».
L'abaya est-il un habit religieux ou vêtement culturel ? Faut-il interdire son port par les élèves dans les établissements scolaires publics en France au nom du respect de la laïcité ? Ce vêtement très à la mode chez les filles de confession musulmane n'est-il en réalité qu'un habit comme les autres ? L'interdire serait-il alors une atteinte aux libertés individuelles ? Depuis quelques jours, le débat a pris de l'ampleur en France.
Si la nature de l'abaya suscite toujours la polémique en France, c'est parce que plusieurs syndicats de l'Éducation nationale ont noté ces derniers mois une recrudescence du port de cette robe traditionnelle par des filles musulmanes dans les écoles françaises. Le mercredi 7 juin, le ministère de l'Éducation nationale a publié les chiffres mensuels des atteintes déclarées à la laïcité dans les écoles françaises pour le mois de mai 2023.
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Le port de l'abaya dans les écoles prend de l'ampleur
Globalement, le nombre d'atteintes à la laïcité à l'école a baissé de 30 % entre avril et mai 2023, passant de 625 à 438 incidents déclarés. La part des incidents relevant du port de signes et tenues religieux, dont les abayas peuvent faire partie, a augmenté, représentant 56 % du total des incidents (contre 37 % en avril et 42 % en mars), selon les chiffres du ministère.
La veille, le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye rencontrait les recteurs d'académie sur les questions de laïcité. Lors de cette réunion, le ministre de l'Éducation a affiché sa « fermeté face aux pressions communautaires dans certains quartiers », rapportent plusieurs médias1. Interrogé par des journalistes sur le port de certains vêtements à l'école, dont l'abaya, Pap Ndiaye a répondu que « l'appréciation du caractère religieux, ou pas, ce sont les chefs d'établissement qui doivent l'apporter ».
Pour statuer sur le port d'une tenue par les élèves dans les écoles publiques en France, les chefs d'établissement peuvent s'appuyer sur plusieurs textes. La loi du 15 mars 2004 interdit ainsi « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». Tandis qu'une circulaire de la même année cite « le voile islamique […] la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive » parmi ces signes d'appartenance religieuse.
L'abaya pourrait constituer un signe religieux dans certains cas
En novembre 2022, le ministre de l'Éducation a publié une circulaire sur les vêtements à l'école. Le document indique que les abayas sont considérées, comme les bandanas et les jupes longues, comme des tenues pouvant être interdites « si elles sont portées de manière à manifester ostensiblement une appartenance religieuse ».
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Le 7 juin dernier, le quotidien Le Parisien publiait un article en une sous le titre « "Ne pas prendre ce qui se passe à la légère" : l'école face au défi des abayas »2. Pour le journal, « ces tenues amples, pas interdites par la loi, mais prohibées dans les établissements, car considérées comme signe d'appartenance religieuse, jouent sur une ambiguïté source de conflits ».
Dans une déclaration à la chaîne BFM TV, une lycéenne musulmane a affiché son courroux contre ceux qui affirment que l'abaya est un signe religieux attentatoire à la laïcité. « Si on nous demande d'enlever notre voile à l'entrée du lycée, ok, je peux comprendre parce que c'est religieux. Mais l'abaya, non, ça ne l'est pas. On n'est pas en train de faire de la propagande, on ne fait de mal à personne », a réagi cette lycéenne de la banlieue parisienne.
Ce que pense le CFCM du port de l'abaya dans les écoles
Face à l'ampleur de la polémique sur le port de l'abaya dans les écoles, le Conseil français du culte musulman (CFCM) affirme dans un communiqué publié lundi dernier que cette tenue « n'est pas » un signe religieux musulman. « Nous sommes dans le droit de nous interroger sur l'autorité qui, dans notre République laïque, a décrété que l'abaya est un signe religieux musulman », écrit le CFCM. « Pour nous, ce vêtement n'en est pas un », ajoute-t-il.
Le CFCM, qui n'est plus reconnu par les autorités françaises, dit son « sentiment d'être face à un énième débat sur l'islam et les musulmans avec son lot de stigmatisations ». « Dans la tradition musulmane, que nous défendons, un vêtement quel qu'il soit n'est pas un signe religieux en soi. Il suffit de parcourir les pays à majorité musulmane pour se rendre compte que les citoyens de ces pays, de toutes confessions, ne sont pas distinguables par les vêtements qu'ils portent », estime t-il.
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