L'avocat d'affaires Nasr Eddine Lezzar s'est exprimé sur la question de la récupération de l'argent détourné. Il a affirmé, dans une interview parue au journal Liberté ce dimanche 30 août, que "de grandes sommes sont déjà dans des paradis fiscaux". L'avocat s'est aussi demandé "pourquoi les autorités algériennes se sont limitées à la France et aux responsables de l'ère Bouteflika".
Nasr Eddine Lezzar affirme, d’emblée, qu'il ne sait pas si l'information selon laquelle l’Algérie aurait demandé de l'aide aux autorités judiciaires françaises pour récupérer l'argent détourné est vraie. "Toutefois, telle que formulée, elle engendre deux questions : pourquoi les autorités algériennes se sont limitées à la France et aux responsables de l'ère Bouteflika ? se demande-t-il.
Les pays sollicités opposent souvent une objection pour sauvegarder leurs intérêts
Concernant les biens mal acquis en France, l'avocat d'affaires explique que "dans ce genre de dossiers, la condamnation pénale est souvent accompagnée de la confiscation de la totalité du patrimoine en plus de condamnations pécuniaires qui se répartissent en deux catégories. Un dédommagement aux parties civiles, entités (privées ou publiques) ayant subi un préjudice, d'une part, et une amende au Trésor public, d'autre part".
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Il révèle que "ces sommes seront prélevées sur les avoirs disponibles en banque et sur le prix de vente du patrimoine saisi. Tout le patrimoine du condamné est affecté au remboursement qu'il soit bien ou mal acquis".
Nasr Eddine Lezzar souligne que pour sauvegarder leurs intérêts, "il est vrai que les pays requis opposent souvent cette objection en soutenant que le lien n'est pas établi entre les faits commis et les biens existants sur leur territoire".
Est-il possible de récupérer l'argent détourné ?
L'avocat d'affaires s'est aussi exprimé sur la possibilité de récupérer l'argent détourné. Il affirme qu'au-delà des messages destinés à la consommation publique, "une réponse globale est une simplification au détriment de la complexité technique. Des distinctions doivent être faites selon la nature des avoirs ou biens à récupérer. Il y a d’abord les avoirs bancaires dont la localisation est problématique, la récupération l'est davantage".
Il ajoute que "la France est, tout comme la Suisse, un des pays les plus réticents à la levée du secret bancaire. Les banques sont rétives lorsqu'il s'agit de restituer des avoirs qui leur apportent des dividendes substantiels".
Nasr Eddine Lezzar indique qu'en raison de la lourdeur des démarches, "les personnes poursuivies ont dû prendre leurs devants et se sont auto-dépouillées en transférant leurs biens à des prête-noms ou des gestionnaires de fortune".
Il ajoute que "même les accusés surpris par leur arrestation ont dû procéder aux transferts par le biais de personnes qui gèrent leurs biens sur place et qui sont dotés des pouvoirs les plus larges". L'avocat conclut que "de grandes sommes ont été déjà acheminées dans des paradis fiscaux via des canaux et des structures opaques".
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Quels sont les mécanismes à actionner pour récupérer l'argent ?
Concernant les mécanismes qui peuvent permettre à l’Algérie de récupérer les biens détournés, l'avocat explique qu'"il y a d'abord les conventions bilatérales de coopération judiciaire entre l’Algérie et ces différents pays. Il y a aussi les conventions multilatérales signées sous l'égide d'organisations régionales ou universelles".
Il indique que "cependant, la mise en œuvre de ces mécanismes dépend de la volonté politique de deux États, l'État requérant et l'État requis. Cela quand bien même cette mise en œuvre serait faite par les autorités judiciaires. Dans ce domaine, les discours sur l'indépendance de la justice chez nous et ailleurs ne doivent pas faire illusion".
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