Projet de loi sur l’immigration d’Emmanuel Macron : Tout ce qu’il faut savoir

Emmanuel Macron - immigration

La classe politique française s’entend à dire que l’actuel président, Emmanuel Macron, compte faire de l’identité et de l’immigration un sujet de débat national de premier ordre. Certains iront jusqu’à faire des rapprochements avec Sarkozy qui, durant son unique mandat, a ravivé – voire créé – des tensions aussi bien inutiles que nuisibles à la cohésion nationale. Mais Macron s’en défend. Ce qu’il veut, lui, c’est une politique à la fois "efficace" et, surtout, "humaine".

Ce qui commence à avoir les allures d’une obsession chez le jeune président ne date pas d’hier. Déjà, durant son premier mandat, il avait, à moult reprises, évoqué la question en des termes bien choisis. Parfois même à demi-mots. Car "identité" et "immigration", il en avait bien conscience, sont des sujets à l’approche desquels on risque de se brûler les ailes. "Je veux aussi que nous mettions d'accord la nation avec elle-même sur ce qu'est son identité profonde, que nous abordions la question de l'immigration. Il nous faut l'affronter", avait-il lâché vers la fin de l’année 2018. Et ces quelques mots, à eux seuls, avaient fait couler quantité d’encre. "Le risque, c'est de raviver des malentendus entre les Français d'origines et de religions diverses, les différentes communautés qui cimentent notre pacte républicain, et donc créer des divisions dont on n'a vraiment pas besoin en ce moment", s’était alors inquiété un poids lourd du gouvernement.

Aujourd’hui, au sortir du Covid qui a ébranlé le monde et en pleine crise énergétique causée par la guerre en Ukraine, Macron annonce tout un projet de loi sur l’immigration. Un projet, dont les contours à peine perceptibles, divisent déjà la classe politique française. Certains s’interrogeront sur l’utilité d’une énième loi sur l’immigration, d’autres sur le timing choisi par le locataire de l’Elysée.

Une immigration plus "humaine", un argument qui passe mal

Il ne serait pas tout à fait inutile de noter qu’en France, le sujet de l’immigration, ne prend toute sa signification qu’associé à la notion de l’identité. C’est, en effet, à ce moment que des risques d’exclusion d’une ou de plusieurs communautés prennent forme. Et l’inverse n’est pas faux, puisque parler d’une "identité française", c’est montrer du doigt les immigrés de France, et à plus forte raison ceux d’origine nord-africaine qui forme la plus importante communauté étrangère de l’Hexagone. Il est vrai que, pour le moment, Macron n’évoque pas la question de l’identité dans le projet de loi dont la première mouture ne sera connue qu’en 2023. Cependant, la peur – tout comme l’espoir – est de mise pour des milliers de sans-papiers, de binationaux, de ceux qui rêvent de vivre en France. Il est d’ailleurs attendu que ledit projet durcisse les conditions d’octroi de visas et facilite l’expulsion des personnes non-désirées sur le territoire français.

Durant sa visite en Algérie, Macron, qui a largement évoqué la question de l’immigration, avait donné quelques éléments de réponse quant à la politique qu’il veut "efficace" et "humaine". "Nous souhaitons une approche pour une immigration choisie", a-t-il dit, avant d’énumérer les prioritaires : "Les familles des binationaux, les artistes, les sportifs, les entrepreneurs…". Bref, tous ceux qui, selon lui, "nourrissent les relations bilatérales". Devant les préfets réunis à Paris, jeudi 16 septembre, Macron a tenté de se montrer plus persuasif. "Nous avons une politique qui est tout à la fois inefficace et inhumaine, inefficace parce que nous nous retrouvons avec plus d’étrangers en situation irrégulière que nombre de nos voisins, inhumaine parce que cette pression fait qu’on les accueille trop souvent mal", a-t-il dit. Mais l’argument n’arrive pas trop à convaincre. "On n'a pas besoin d'une nouvelle loi pour mieux accueillir en France", a réagi, entre autres, Hélène Soupios-David, responsable à France Terre d'Asile, selon laquelle "l'urgence est de garantir un vrai accueil, digne" et de "faire cesser les absurdités et l'hypocrisie".

Projet de loi sur l’immigration, un texte pour mieux expulser ?

Faut-il rappeler que la France est à sa 21e loi sur l’immigration depuis 1986, soit depuis uniquement 32 ans ? Cette pléthore de textes, si elle a une quelconque signification, c’est le fait que les textes ne résolvent pas tout. Et le dernier qui date de 2018, de l’avis d’Hélène Soupios-David, n’a même pas été évalué. A la question de savoir si la nouvelle loi ne viserait pas à expulser d’une façon plus rapide, la responsable France Terre d'Asile répond : "Vouloir expulser plus en faisant une politique du chiffre n'a jamais marché. Ce qu'il faut éviter c'est une surenchère sécuritaire stigmatisante qui ne permettra pas de régler les enjeux. Des procédures plus rapides, oui, mais ça ne peut pas être des procédures bâclées".

Mais n’est-ce pas que c’est ce que beaucoup de politiciens, qui se sont vite joints au débat, souhaitent ? C’est le cas de la députée Annie Genevard, vice-présidente de l’Assemblée nationale et vice-présidente déléguée des Républicains, qui plaide pour une "tolérance zéro" avec "tous les étrangers". "Il faut qu'on expulse plus vite, il faut une tolérance zéro pour tous les étrangers qui se livrent à des actes délictueux en France, être beaucoup plus ferme avec les pays d'origine et conditionner les visas", a-t-elle plaidé suite à l’annonce par Macron du nouveau projet de loi sur l’immigration. "Nous avons eu la loi asile et immigration lors du dernier quinquennat. Elle devait permettre que l'on arrête de contourner le droit d'asile, mais on est sorti plus exposé avec cette loi", juge Annie Genevard.

La langue française et l’envie de travailler devraient suffire, estime Bayrou

Les demandes d’asile en 2021 sont au nombre de 100.000. Et face à ce chiffre, l’exécutif français affiche la volonté de donner un tour de vis. L’objectif est clair, selon le Figaro, le journal emblématique de la droite française : "tenter de bâtir une politique de souveraineté, jusqu’ici introuvable". Le même journal, en vue de noircir davantage le tableau, insiste sur un autre chiffre: "30 % seulement des obligations de quitter le territoire français (OQTF) sont exécutées, notamment – précise-t-on – en raison d’une multiplicité de recours qui virent au casse-tête".

Comme déjà mentionné, aucune allusion à l’ "identité nationale" n’a été faite par Macron et son entourage. Mais, comme il fallait s’y attendre, la droite et, en plus contrasté, l’extrême-droite, ont profité de l’occasion pour remettre sur la table la question de l’identité. Marine Le Pen parlera à nouveau de "l’immigration-submersion", qui, selon elle, menace la France. Fidèle à ses positions, elle chargera l’immigration de tous les maux du pays : "appauvrissement", "ensauvagement de la société", "affaiblissement de l’identité nationale"…

François Bayrou, leader centriste, lui, insiste sur deux critères : la langue française et l’envie de travailler. "Les peuples ont droit à leur identité et à des garanties sur la pérennité de leur identité", a affirmé, dimanche 18 septembre 2022, le président du MoDem, estimant qu' "on n'a pas fait suffisamment attention à ce droit". "Les peuples sont attachés (...) aux modes d'être, aux modes de vie qui font que la France est la France, la Suisse est la Suisse, l'Italie est l'Italie", a-t-il développé.  Et d’ajouter : "On n'y a pas fait suffisamment attention parce qu'on a confondu ce droit, cette quête de droit, avec la stigmatisation". Et dans ce cadre, Bayrou estime que la France "devrait exiger deux choses : la maîtrise de la langue qui est la garantie de la volonté de s'intégrer, de participer à un pays avec son mode de vie, et deuxièmement la volonté de s'engager dans le travail pour gagner sa vie".

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