Immigration : l'hypocrisie à peine voilée du patronat français 

Employé dans le BTP

Il ne fait aucun doute que la loi sur l'immigration et l'asile, sous sa mouture actuelle, arrange grandement le patronat français. Il ne peut être autrement, puisque celle-ci facilitera d'une façon quasi systématique les recrutements, ce qui constituera une vraie aubaine pour les entreprises qui font face à la pénurie de main-d'œuvre. Toutefois, ce même patronat rechigne à afficher clairement son soutien à ce projet de loi. Et la cause est toute simple : il ne veut se mettre sur le dos une bonne partie de la classe politique française, voire une bonne partie des Français.

Peut-on refuser une loi qui est à même d'assurer la main-d'œuvre nécessaire au bon fonctionnement de son entreprise ? À vue de nez, la réponse à cette question est toute simple : c'est un « non ». Sauf que pour le patronat français, les choses sont plus compliquées que cela. En effet, la loi Darmanin est non seulement un outil au service de l'économie française, mais aussi – notamment à long terme – un ensemble de procédures qui engagent grandement l'avenir de toute la France. C'est du moins l'avis de la droite et de l'extrême droite françaises qui ont déjà dit tout ce qu'ils pensent de ladite loi. Et les patrons, dont une bonne partie flirte avec ces deux courants, ne l'ont que trop compris.

Les patrons auraient bien dit « non », mais la tentation est trop forte. En effet, la proposition phare du texte (titre séjour « métiers en tension »), qui facilitera la régularisation des travailleurs sans-papiers, n'est pas à dédaigner. Elle ne va pas manquer d'aider les chefs d'entreprise à recruter dans les secteurs en mal de main-d'œuvre, à l'instar de la restauration et du BTP. En fait, dire « non », c'est jeter le bébé avec l'eau du bain. Et c'est là qu'un peu d'hypocrisie devient nécessaire.

Travail au noir des sans-papiers : le patronat ne veut pas soulever le capot

« On est prêts à embaucher des gens, puisqu'on a des problèmes de recrutement, mais ce n'est pas aux patrons de décider de la politique migratoire », a déclaré Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. Une façon de dire : « faites, mais ne venez pas après nous accuser d'une loi trop laxiste à l'égard de l'immigration ». Tout comme le Medef, d'autres organisations patronales refusent d'afficher clairement leur soutien à la loi Darmanin. « Le patronat a beaucoup de coups à prendre. Il craint une polarisation médiatique et ne veut pas être l'objet d'attaques politiques de la droite et de l'extrême droite », a déclaré un « connaisseur du milieu » au journal français Challenges.

Antoine Foucher, président du cabinet du conseil Quintet et ex-directeur de cabinet de la ministre du Travail Muriel Pénicaud, explique davantage cette ambivalence du patronat : « D'un côté, ils sont pour l'immigration au regard de l'intérêt économique de leurs entreprises. Mais beaucoup ont aussi des positions assez arrêtées sur la nécessaire régulation des flux migratoires », a-t-il déclaré au même média. Et d'ajouter : « Sans oublier, l'épineuse question du "travail au noir" des sans-papiers dans quelques secteurs d'activité. Le patronat est gêné par les pratiques de certains adhérents. Il ne veut pas soulever le capot ».

Retour en haut
Share via
Copy link