L'ancien président du Front national devenu par la suite Rassemblement national, Jean-Marie Le Pen, est au centre d'une nouvelle polémique sur la torture pendant la Guerre d'Algérie. Cependant, cette fois, il ne fait pas partie des protagonistes de cette polémique. En effet, c'est lors du 2e épisode du podcast diffusé sur France Inter « Jean-Marie Le Pen, l’obsession nationale » que l’historien Benjamin Stora disculpe le politicien d'extrême droite en affirmant que ce dernier n'avait pas pratiqué la torture en Algérie
« Jean-Marie Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie », a donc déclaré Benjamin Stora. Une phrase suffisante pour déclencher une polémique au sein des historiens français. En effet, les historiens André Loez et Fabrice Riceputi s’en sont émus sur Twitter.
De son côté, Florence Beaugé, fin connaisseur du dossier de la torture pendant la Guerre d'Algérie en ayant étudié cette question pendant des années au Monde, est outré. Il déclare que c’est « un comble ». « Le Pen se retrouve blanchi de l’accusation à deux reprises. D’une part par Benjamin Stora, d’autre part par Philippe Collin, qui a avalé innocemment la couleuvre. Le Pen a bel et bien participé – et activement ! – à la bataille d'Alger », martèle Florence Beaugé.
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Cette levée de boucliers a poussé les auteurs du podcast à relativiser leurs affirmations. « Dans l’épisode 2 de notre série consacrée à Jean-Marie Le Pen, et en accord avec l’historien Benjamin Stora, nous avons décidé de préciser son propos quant à Jean-Marie Le Pen et la torture en Algérie. Nous avions initialement utilisé la formule "Jean-Marie Le Pen n’a sans doute pas pratiqué la torture en Algérie", mais nous avons finalement fait le choix d’utiliser les mots suivants pour être plus explicites : "On ne peut pas prouver que Jean-Marie Le Pen a torturé en Algérie, mais c’est une possibilité" ».
Des précisions qui ne sont pas du tout suffisantes, pour Florence Beaugé qui affirme que les auteurs du podcast « ont fait le service minimum ! Philippe Collin se donne raison ainsi. Le podcast est toujours en ligne, blanchissant Le Pen. Ce n’est pas ce semblant de rectificatif qui réparera les dégâts ».
Benjamin Stora se rétracte : « Le Pen a torturé en Algérie »
De son coté l'historien Benjamin Stara a réagi à cette polémique sur le journal Le Monde . « L'important pour moi n’était pas de dire si Jean-Marie Le Pen avait torturé ou non. Ce qui m’intéressait, c’était la fabrication du récit de lui-même pendant la Guerre d’Algérie, comment il se fabrique un personnage pour plaire à sa clientèle électorale d’extrême droite. J’ai peut-être fait une erreur, j’aurais dû dire que Le Pen a torturé, comme des témoins l’ont dit à Florence Beaugé. Je l’ai fait de bonne foi, comme un historien qui n’a pas vu d’archives écrites ». Quelques jours après, soit le 9 mars, il est plus explicite dans un message envoyé au journal Le Monde. « J’ai eu longuement hier soir Florence [Beaugé] et lui ai dit que j’ai fait une erreur : Le Pen a torturé en Algérie, je ne connaissais pas la décision de justice », a-t-il affirmé .
Jean Marie Le Pen aurait pu torturer, selon ses déclarations
L'ancien président du Front national, connu pour sa nostalgie de l'Algérie française, n'a jamais regretté ses positions par rapport à cette guerre. En 2018, Jean-Marie Le Pen avait déclaré qu'il aurait « sans doute » pratiqué la torture en Algérie si on le lui avait demandé, et ce, par « devoir ».
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Il avait justifié la torture pratiquée en Algérie en affirmant également : « J'aurais fait mon devoir, préférant la vie d'une petite fille innocente à celle d'un tueur qui pose la bombe ». « Les consignes qui étaient données étaient d'éradiquer à n'importe quel prix la menace terrible que faisait peser le terrorisme, qui a fait des centaines de morts, de blessés et de mutilés, dont personne ne parle », avait-il ajouté.
Ces déclarations sont tout de même contradictoires avec celles tenues au lendemain des accords d’Évian de mars 1962 mettant fin à la Guerre d’Algérie. Il avait revendiqué avoir participé à la torture. « Je n’ai rien à cacher. J’ai torturé parce qu’il fallait le faire », avait-il déclaré au journal Combat le 9 novembre 1962. « Quand on amène quelqu’un qui vient de poser 20 bombes qui peuvent éclater d’un moment à l’autre et qui ne veut pas parler, il faut employer des moyens exceptionnels pour l’y contraindre », avait-il expliqué.