Rapport du FMI d'avril 2023 et perspectives incertaines : qu'en est-il de l'Algérie ?

FMI - Algérie - Endettement extérieur

L'économie mondiale traverse une période très difficile. Les perspectives d'avenir ne sont pas réjouissantes de l'avis de plusieurs institutions financières et d'experts. Parmi ces institutions, le Fonds monétaire international, qui alerte sur les dangers qu'encoure l'économie mondiale et surtout sur la question du surendettement des pays en voie de développement. Le Professeur Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique et docteur d'État depuis 1974 a analysé le rapport du FMI et a bien voulu apporter sa vision sur la conjoncture économique, notamment en ce qui concerne l'Algérie. Cette présente contribution n'engage bien sûr que son auteur.

Le professeur écrit : Le rapport du FMI d’avril 2023 que j’ai étudié avec attention est structuré en quatre chapitres : à savoir le chapitre 1 qui concerne les perspectives et politiques mondiales, le  chapitre 2 en relation avec le taux d’intérêt naturel dont les facteurs déterminants et implications pour les politiques publiques. Le  chapitre 3 évoque le retour à la réalité et comment faire face à l’envolée de la dette publique. En dernier, le chapitre 4 analyse la fragmentation géoéconomique et investissement direct étranger. Il  note que les  perspectives de l’économie mondiale sont incertaines, dans un contexte caractérisé par les perturbations du secteur financier, le niveau élevé de l’inflation, les effets de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et l’héritage de trois années de pandémie de COVID-19.

Sous l’effet des perturbations des chaînes d’approvisionnement et de l’accentuation des tensions géopolitiques, les risques ainsi que les éventuels bienfaits et désavantages de la fragmentation géoéconomique se retrouvent au cœur du débat de politique économique. D’après ce rapport , les  risques pour la stabilité financière augmentent rapidement, à mesure que la hausse de l'inflation et les risques de fragmentation mettent à l'épreuve les capacités d'adaptation du système financier mondial. L'inflation globale mondiale devrait chuter de 8,7 % en 2022 à 7 % en 2023 sous l'effet de la baisse des prix des produits de base, mais l'inflation sous-jacente (hors alimentation et énergie) diminue plus lentement mais  la plupart des pays, l'inflation ne devrait pas revenir à son niveau cible avant 2025.

Ce rapport rappelle  les récentes faillites et scandales financiers ce qui renvoie à l’urgence de la  refonte du système monétaire international actuel,  comme  la faillite de banques américaines spécialisées dans les crypto-monnaies dont la Silicon Valley Bank (SVB), la “banque de la tech” et de Signature Bank, également proche du monde des cryptos. , la faillite du Crédit Suisse, qui compte parmi les 30 plus importantes banques du monde afin d’éviter un impact systémique, la Banque nationale suisse (BNS), ayant accepté de débloquer des liquidités pour 100 milliards de dollars en faveur de Crédit Suisse dans le cadre de l’accord et fin mars 2023 et récemment de nouveaux scandales financiers touchant cinq établissements bancaires français : la Société générale, BNP Paribas, Natixis, HSBC et Exane, une filière de la BNP Paribas spécialiste des investissements financiers avec une fraude fiscale estimée provisoirement à plus de 150 milliards d’euros dont 30 milliards en France.

Le poids de la dette mondiale

«Le montant total de la dette mondiale publique et privée est estimé en 2022 à environ 300 000 milliards de dollars, ce qui représente 350 % du PIB mondial », contre 226.000 en 2020  un peu moins de la moitié par des dettes d'État,  Le PIB en 2022  des USA (24796 milliards de dollars , la Chine 18460 milliards de dollars ( 72% du PIB des BRICS) et l’Europe 17180 y compris le Royaume Uni  accaparent plus de 60% du PIB mondial estimé à 100.000 milliards de dollars en 2022 alors que le PIB de l’ensemble du continent africain  approche les 2980 milliards de dollars, extrapolé en 2027 à 4600 milliards de dollars, sous réserve de  l’impulsion de la zone d libre échange et d’une plus forte intégration  sous régionales existant des Afriques et non pas une Afrique,  ( 11/12% actuellement) ,  un PIB largement inférieur à celui d’un seul pays l’Allemagne 3867 milliards de dollars , restent donc un long chemin à parcourir .

D'après les prévisions de référence, la croissance devrait ralentir de 3,4 % en 2022 à 2,8 % en 2023, avant de s'établir à 3,0 % en 2024. Les pays avancés ont eu 2,7% de taux de croissance en 2022 et une prévision de 1,3%  en 2023 dont :  les USA  3,4% en 2022 e t2,8% en 2023,  la zone euro  3,5% en 2022 e t0,8% en 2023 dont les deux locomotives 1,8% en 2022 et négatif en 20323 moins 0,1% pour l’Allemagne et 2,6% en 2022  e t0,7% pour la France.

Pour les pays émergents et pays à revenus intermédiaires  nous avons 3,9%  en 2022 et taux identique en 2023  et les  pays en voie de développement  5,0 en 2022 et 4,7% en 2023 et pour les locomotives des  pays émergents nous avons  la Chine 3,0% en 2022 et 5 ;2% en 2023, mais loin des taux de croissance  de 7/8% du passé  pour absorber la demande d’emploi du fait de la forte croissance démographique. Les bourses seront attentif donc à l’évolution de l’économie chinoise où selon  le Consensus Bloomberg de décembre 2022, la chine  ferait en effet face à quatre défis majeurs en 2023 : premièrement , malgré l'annonce de l'abandon de la stratégie « zéro Covid », la nouvelle vague de contaminations constitue une réelle menace, et devrait retarder la reprise de la consommation privée ; deuxièmement, la  crise immobilière, qui a éclatée fin 2021, s'est amplifiée en 2022  et continuerait de peser sur l'activité en 2023 ; troisièmement,  après un important soutien public en 2022,  les marges de manœuvres des autorités budgétaires et monétaires ne semblent pas aussi larges qu'il n'y paraît et  quatrièmement :  les incertitudes au niveau local interrogent sur les chiffres de croissance en Chine, le contexte international ne s'avère guère plus favorable et pourrait se traduire par un fort ralentissement de la demande externe.  Pour  d’autres pays clefs nous avons : l’Inde 6 ;8% en 2022 et 5,2% en 2023, la Russie 2 ;1% en 2022 et 0,7% en 2023, le Brésil  2,9% en 2022  e t0,9% en 2023,  le Mexique  3 ;1% en 2022 et 1,8%  en 2023 , le Nigeria 3,3% en 2022 et 3,2% en 2023 et l’Afrique  du Sud 2,0% en 2022 et 0,1% en 2023.

Concernant l'Algérie

Concernant l’Algérie, le taux de croissance a été de 3,7%  et extrapolé  à 2,6% en 2023. Cette baisse étant due à la baisse du cours des hydrocarbures par rapport à l’année 2022 et certainement due à la sécheresse qui frappe pas seulement l’Algérie mais l’Afrique du Nord  avec une baisse du rendement  de l’agriculture , pour le blé des deux  greniers de à savoir Tiaret et Sétif. Cette  croissance relativement positive par rapport à bon nombre e pays mais en baisse s’expliquant par la réduction moyenne du cours du pétrole estimée en 2023 entre 80/85 dollars le baril contre 106 dollars en 2022, et 72 dollars en 2021, et  10/12 dollars pour le gaz, le million de BTU contre 15/16 dollars en 2022  et 5/6 en 2021, mais soutenus par  la forte hausse des prix des dérivées dont les   prix mondiaux des engrais ont une connu une forte hausse depuis fin 2021 où  au cours de l'année 2022, les prix de l'urée, et l’engrais azoté sont  passés  de 260 euros  la tonne en 2020 à 900 euros  fin 2021, pour atteindre 1040 euros la tonne en avril 2022 , les prix des engrais étant  passés d'une moyenne de 850 dollars la tonne fin 2022 à 1000 dollars la tonne depuis janvier 2023.

Pour le mois de mars, les prix de cession de Sonatrach se situent à un cours relativement élevé 83,5 dollars pour le pétrole, 16,5 dollars le MBTU pour le gaz  et pour les dérivées 711 dollars la tonne métrique –MT- pour le condensat ,693  dollars la tonne métrique pour le GPL. Si cette tendance se confirme pour l’année 2023, les recettes prévues pour Sonatrach se situeraient entre 50/55 milliards de dollars pour 2023  contre 60 en 2022,   Aussi, la crise mondiale  avec  l’inflation mondiale pénalise les pays mono exportateurs d’hydrocarbures comme l’Algérie (98% de ses recettes en devises avec les dérivées)  avec  l’accroissement de leur facture d’importation. La contrainte principale pour augmenter ses exportations, outre un investissement massif et de changer de modèle de consommation énergétique en développant  les énergies renouvelables et l’hydrogène vert,   ce sont  les  subventions appliquées aux carburants( environ 20% du prix international) où la consommation intérieure connaît une croissance vertigineuse alarmante : sur une production de 1 millions de barils/j de pétrole, la consommation  intérieure, moyenne pour 2022,  représente presque le volume des exportations environ 500.000 baril/j ;  idem pour le gaz pour une production de 130 milliards de mètres cubes gazeux, nous avons 20/25% d’injection dans les puits pour éviter  leur épuisement,  55 milliards de mètres cubes  d’exportation et 45 % pour la consommation intérieure et à ce rythme en 2030, pourrait  dépasser les exportations, sauf découvertes importantes rentables   devant souligner que l’on peut découvrir des milliers de gisements non rentables, la rentabilité étant fonction  du coût  et du vecteur du prix international.

Les défis de l'Algérie

En conclusion, l’objectif stratégiste de l'Algérie, à moyen terme, en évitant les erreurs du passé de vivre sur l’illusion d’une rente éternelle, la véritable richesse d’une Nation reposant sur le travail et l’intelligence, est la diversification de l’économie, devant favoriser l’émergence d’entreprises concurrentielles dans le cadre des avantages comparatifs. Pour être un acteur actif au niveau des BRICS, l’Algérie, qui postulera lors du prochain sommet selon le chef de l'État Abdelmadji Tebboune, dans une première phase en tant observateur, devra faire passer son PIB de 190 milliards de dollars 2022 à 400/500 milliards de dollars entre 2025 et 2027.

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