Josep Borrell, haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne, effectue à partir de ce dimanche 12 mars une visite de deux jours en Algérie, la première du genre depuis sa prise de fonction en décembre 2019.
Selon un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, qui en a fait l’annonce, Josep Borrell, le haut représentant de l'UE, sera reçu en audience par le chef de l'État, Abdelmadjid Tebboune, ainsi que par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane.
La visite du haut représentant de l'UE s'inscrit dans le sillage de la visite en Algérie du président du Conseil européen, Charles Michel, effectuée en septembre 2022, marquant la volonté de l'Algérie et l'UE de rehausser leur coopération dans tous les domaines, précise encore le ministère algérien des Affaires étrangères dans son communiqué. Cette visite sera l'occasion « de poursuivre le dialogue politique entre les deux parties et de faire le bilan de la coopération et les perspectives de son approfondissement, dans le cadre d'une mise en œuvre équilibrée et adaptée de l'Accord d'association Algérie-UE ».
Algérie-Union européenne : Vers la révision de l'Accord d'association ?
Sur ce point précis, plusieurs observateurs estiment que la révision de l'Accord d'association représente une nécessité, voire une urgence, pour remettre cet accord dans le bon sens. Elle avait été largement évoquée par le président du Conseil européen, Charles Michel, lors de sa visite en Algérie en septembre 2022.
« Nous avons considéré que l'Accord d'association est un cadre qui doit donner lieu à des améliorations avec la volonté de part et d'autre d'identifier les priorités conjointes dans l'intérêt mutuel », avait, en effet, déclaré le responsable européen à l'issue d'une audience que lui a accordée Abdelmadjid Tebboune. Ce dernier, avait d’ailleurs instruit de revoir les dispositions de cet accord, signé en 2002 et entré en vigueur en 2005, « clause par clause » et en fonction d'une « vision souveraine et d'une approche gagnant-gagnant ».
La révision ciblée doit surtout tenir compte, selon le chef de l'État, de « l'intérêt du produit national en vue de créer un tissu industriel et des emplois ». Aujourd'hui, après 16 ans d'application, cadres supérieurs, experts, opérateurs économiques et société civile s'accordent à dire que l'accord n'a pas réellement profité à l'Algérie, sur le plan économique et commercial notamment. Une évaluation de l'impact de l’Accord sur le commerce extérieur du pays sur 10 ans (2005-2015) conforte ce constat.
Un manque à gagner de plus de 700 milliards de dinars pour l'Algérie
Le cumul des exportations algériennes hors hydrocarbures (HH) vers l'UE, premier partenaire du pays, n'a même pas atteint les 14 milliards de dollars (mds USD) durant cette décennie, alors que le cumul des importations algériennes auprès de l'UE s'est chiffré à 220 mds USD, avec une moyenne annuelle de 22 mds USD. En plus, l'accord a engendré un manque à gagner de plus de 700 milliards de dinars aux recettes douanières algériennes durant la même période.
Sur 15 ans (2003-2018), les exportations algériennes HH vers l'UE sont passées de 344 millions USD en 2003 (deux ans avant l'application de l'accord) à 889 millions USD à peine en 2018. Pourtant, l'Algérie visait, à travers l'accord, la promotion de ses exportations hors hydrocarbures vers l'Europe et de voir les investissements européens en Algérie croitre. Dans son article1, l'accord prévoit de « développer les échanges, assurer l’essor de relations économiques et sociales équilibrées entre les parties, et fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux ».
Pour la révision escomptée, elle suggère notamment « d'impliquer les opérateurs économiques algériens, comme ça a été fait pour la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), où l'Algérie a été impliquée dans le processus du début jusqu'à la fin, ce qui lui a permis d'évaluer les atouts et les faiblesses de l'intégration dans cette zone ». Du fait des résultats mitigés de l'accord, sur le plan économique et commercial notamment, la mise en place d'une zone de libre-échange entre les deux parties, initialement prévue pour 2017, a été décalée à septembre 2020.
À cette date, l'Algérie a lancé de nouvelles concertations avec l'UE pour réévaluer l'accord dans l'objectif de le réviser. En décembre 2020, lors de la 12e session du Conseil d'association avec l'UE, l'Algérie a alors assuré que la révision de l'accord se « fait sur la base de l'équilibre », soulignant « la volonté de dialogue de part et d'autre ».