L'Accord de 1968 : Pourquoi l'Algérie y tient tant ?

Drapeaux France Algérie Noir et blanc

Régissant les conditions d'entrée et de séjour des Algériens en France, l'Accord de 1968 est l'un des privilèges – c'en est bien un – auquel l'Algérie tient énormément. D'ailleurs, dans un entretien-fleuve accordé au journal français Le Figaro en date du 30 décembre 2022, le chef de l'État algérien Abdelmadjid Tebboune l'a bien rappelé. Cette mobilité a été « négociée et il convient de la respecter », a estimé celui-ci, soulignant qu'il y a « une spécificité algérienne, même par rapport aux autres pays maghrébins ». Quels avantages accorde réellement cet Accord qu'on met sans cesse en avant ?

Il convient de noter que jamais ledit Accord n'a été aussi évoqué que depuis la fièvre ayant pour nom « quitter le pays » qui s'est saisie des Algériens. En effet, la conjoncture durant laquelle cet Accord a été signé est totalement différente de l'actuelle : en 1968, l'Algérie était un pays qui promettait (encore), tandis qu'aujourd'hui, il semble résigné à une dépendance chronique vis-à-vis de ses anciens « bourreaux », et ce, presque sur tous les plans.

Aussi, faut-il rappeler que l'entretien du Figaro, cité plus haut, est intervenu, en partie, dans le cadre de la fin d'une brouille entre l'Algérie en la France tournant autour de visas et de rapatriement de ressortissants. C'est dire l'importance que revêt la question de mobilité – à sens unique, il est vrai – des personnes entre les deux pays.

Accord de 1968 : les Algériens relèvent d'un régime spécifique

Aussi nommé « l'Accord franco-algérien », l'Accord de 19681 est signé entre la France et l'Algérie le 27 décembre 1968. En résumé, il réglemente les circulations, l'emploi et le séjour des ressortissants algériens en France. Publié en France au Journal officiel du 22 mars 1969, cet Accord a été modifié par trois avenants : le premier en date du 22 décembre 1985, le deuxième le 28 septembre 1994 et le troisième le 11 juillet 2001. Un quatrième était en préparation, mais les négociations n'ont pas abouti. Toutefois, en gros, les privilèges des Algériens ont été bien sauvegardés.

Déjà dans le préambule, on sent la « spécificité » accordée aux Algériens en matière de mobilité, de séjour et d'emploi. « Dans le cadre de la déclaration de principe des Accords d'Évian relative à la coopération économique et financière, le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, soucieux d'apporter une solution globale et durable aux problèmes relatifs à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens sur le territoire français […] », peut-on d'emblée y lire.

Le même préambule évoque ensuite un « désir » de « faciliter la promotion professionnelle et sociale des travailleurs algériens », « d'améliorer leurs conditions de vie et de travail », « de favoriser le plein emploi de ces travailleurs qui résident déjà en France ou qui s'y rendent par le canal de l'Office national de la main-d'œuvre […] ».

Une page du site du ministère français de l'Intérieur et des Outre-mer est réservée à l'Accord de 1968. « La circulation, le séjour et le travail des Algériens en France sont régis de manière complète par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Ils relèvent ainsi d'un régime spécifique. Le droit commun ne leur est pas appliqué, à l'exception des dispositions de procédure. L'accord prévoit également les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjours qui leur sont délivrés. Ces titres de séjour portent le nom de "certificats de résidence" et leur durée de validité est soit d'un an, soit de dix ans », y a-t-on écrit.

Accord de 1968 : le passe pour un regroupement familial sans trop d'encombres

Le ministère français de l'Intérieur cite ensuite « les principales spécificités de ce régime ». Entre autres figure la « facilitation de l'entrée des Algériens en France ». Aussi, « les Algériens bénéficient de la liberté d'établissement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante ». « Les ressortissants algériens peuvent accéder plus rapidement que les ressortissants d'autres États à la délivrance d'un titre de séjour valable 10 ans », peut-on également y lire.

En vertu de l'Accord de 1968, « le conjoint algérien d'un Français se voit délivrer un certificat de résidence de 10 ans après un an de mariage et le parent d'un enfant français l'obtient à l'échéance d'un premier certificat de résidence d'un an ».

Aussi, « les membres de famille admis au séjour en France au titre du regroupement familial reçoivent un titre de séjour de même durée que la personne qu'ils rejoignent. Ils reçoivent donc un certificat de résidence valable 10 ans dès leur arrivée sur le territoire français si l'accueillant est porteur d'un tel titre de séjour ».

Et « s'ils ne l'ont pas obtenu avant, les ressortissants algériens peuvent solliciter un certificat de résidence de 10 ans après 3 ans de séjour, contre 5 ans dans le cadre du droit commun, sous condition de ressources suffisantes ». C'est dire l'avantage accordé aux Algériens en matière de regroupement familial en vertu de cet Accord !

Pourquoi la droite française s'attaque à l'Accord franco-algérien de 1968 ?

Ce n'est pas tout : « s'il souhaite exercer une activité salariée en France, l'algérien titulaire d'un certificat de résidence mention « étudiant » doit solliciter une autorisation provisoire de travail et ne peut travailler au maximum 50 % de la durée annuelle de travail pratiquée dans la branche ou la profession concernée (contre 60 % de la durée annuelle légale du travail pour les autres nationalités) ».

Dès lors, on comprend mieux pourquoi l'Algérie y tient autant. En fait, en plus d'assurer l'avenir de milliers d'Algériens, cet Accord constitue l'un des moyens les plus efficaces pour le transfert des devises depuis la France vers l'Algérie.

Aussi, l'on comprend pourquoi la droite française s'y attaque sans relâche. En effet, l'Accord de 1968 a permis, et permet encore, à beaucoup d'Algériens de s'installer et de travailler en France, ainsi qu'aux étudiants algériens de changer leur statut pour espérer rester de façon permanente dans l'Hexagone. Il permet même aux Algériens l'acquisition de la nationalité française avec une facilité certaine.


  1. [PDF] Accord franco algérien du 27 décembre 1968, Gisti.org 

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