Séisme : Pourquoi le Maroc refuse-t-il l'aide des autres pays ?

Mohammed VI lors d'une séance de travail consacrée au séisme qui a touché le Maroc en 2023

De nombreux pays se sont dits prêts à intervenir pour venir en aide au Maroc, touché par un séisme qui a fait plus de 2000 morts et des centaines de milliers de sans abris. Cependant, près de 48 heures après la catastrophe naturelle, le Maroc se refuse toujours de répondre aux sollicitations d’aides étrangères. Mais pourquoi le Maroc s'obstine-t-il à refuser l'aide des autres pays ?

Le séisme de magnitude 7, dont l’épicentre se situait dans la province d’Al-Haouz, au sud-ouest de la ville de Marrakech, a provoqué d’énormes dégâts dans plusieurs régions du Royaume. Ce séisme, le plus puissant à avoir frappé le Maroc à ce jour, a fait 2012 morts et 2059 blessés, dont 1404 sont dans un état très grave, selon un nouveau bilan rendu public samedi soir par le ministère marocain de l’Intérieur. Un total de 1293 personnes ont péri dans la province d’Al-Haouz et 452 dans la province de Taroudant, situées toutes deux au sud de Marrakech, a indiqué le ministère marocain dans un communiqué.

L’Algérie propose son aide au Maroc

Face à l’ampleur de la catastrophe, la solidarité internationale se mobilise pour venir en aide aux sinistrés. L'Algérie, par le biais de la Présidence de le République, a annoncé ce samedi être prête à ouvrir son espace aérien aux vols humanitaires et médicaux à destination du Maroc. L'Algérie, qui a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc en août 2021, a indiqué ce dimanche 10 septembre être « disposée » à venir en aide aux régions ébranlées par le tremblement de terre.

« Dans le cadre de l’aide logistique et matérielle d’urgence que notre pays est disposé à apporter au peuple marocain frère, pour faire face aux conséquences du puissant séisme, l’Algérie offre le déploiement en urgence -dans le cas où le Royaume du Maroc accepte cette offre d’aide- d’une équipe d’intervention de la Protection civile comprenant 80 secouristes spécialisés », a indiqué ce dimanche, le porte-parole du ministère algérien des Affaires étrangères à l’agence APS. Cette équipe d’intervention « est repartie comme suit : une équipe cynophile spécialisée dans la recherche et l’identification des personnes sous les décombres, une équipe de sauvetages et de recherches, une équipe médicale, ainsi qu’une aide humanitaire de premier secours, notamment des tentes, des lits de camp et des couvertures », ajoute la même source.

Le Maroc n’a pas formulé de demande d’aide internationale

De nombreux autres pays ont également affiché leur disposition à venir en aide au Maroc. C’est notamment le cas de la France qui a annoncé ce dimanche, par la voix du président Emmanuel Macron, être prête  à « intervenir » pour venir en aide au Maroc. « Nous avons mobilisé l’ensemble des équipes techniques et de sécurité pour pouvoir intervenir quand les autorités du Maroc le jugeront utile », a dit le chef d’État français à l’issue du sommet du G20 à New Delhi, qualifiant le séisme de « tragédie qui nous touche tous ».

Cependant, les aides de l’Algérie et de la France, mais aussi celles de nombreux autres pays étrangers, ne sont toujours pas acceptées par les autorités marocaines. Invitée ce dimanche sur BFMTV, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères assure qu’il y a eu des discussions, mais que « le Maroc n’a pas formulé de demande d’aide internationale à ce stade ». Toutefois, selon l'AFP, le Maroc a officiellement fait une demande d’assistance à l’Espagne ce dimanche matin. D’autres sources affirment également que Rabat a accepté l’aide émanant du Qatar.

Face au séisme « le Maroc se positionne en État souverain », selon une géographe française

Dans un entretien accordé ce dimanche au Figaro, la géographe Sylvie Brunel, ancienne présidente d'Action contre la Faim, estime que « face aux offres d’aide humanitaire aux arrière-pensées géopolitiques, il est légitime que le Maroc se positionne en État souverain ». Selon elle, « quand un État subit une catastrophe, c’est à lui de demander de l’aide. C’est une question de souveraineté ».

« Le roi Mohammed VI veut donc garder la main sur son pays. C'est aussi une forme de fierté nationale », explique-t-elle. « Mettez-vous à la place du Maroc. En cas de catastrophe naturelle en France, comme à La Faute-sur-Mer (victime de la tempête Xynthia en 2010, NDLR), imaginez-vous des ONG marocaines ou américaines débouler ? » s’interroge la professeure de géographie à l'Université Paris-Sorbonne.

« Le Maroc ne veut pas se comporter comme un pauvre pays meurtri »

« L’aide humanitaire internationale va toujours des pays développés aux pays non développés. En tant que pays émergent, qui se veut interlocuteur de l'Europe et qui aspire à un statut de puissance régionale en Afrique, le Maroc veut montrer qu'il est souverain, capable de piloter les secours, et ne pas se comporter comme un pauvre pays meurtri que tout le monde vient charitablement secourir », explique-t-elle.

Concernant le choix de Rabat d’accepter uniquement l’aide du Qatar et de l’Espagne, Sylvie Brunel, affirme que « parce que le roi Mohammed VI et l'émir qatari al-Thani sont très proches ». Il s’agit surtout d’« un calcul géopolitique », selon elle. « Le Maroc va minutieusement choisir ses partenaires pour ne laisser entrer que des structures très compétentes, avec des savoir-faire particuliers, tels que des chiens renifleurs, qui vont permettre de localiser les dernières personnes bloquées », explique la géographe.

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