Billets à prix exorbitants : Le marché juteux des compagnies aériennes low cost en Algérie (dossier)

Avion connecté au jetway

Depuis la réouverture partielle des frontières, en juin dernier, de nombreuses compagnies aériennes se ruent vers la destination Algérie en raison des grandes opportunités qu’offre le marché du transport aérien dans ce pays peuplé de l’Afrique du Nord. Bien que le nombre de vols accordés par les autorités algériennes soit encore limité, il n’en demeure pas moins que les compagnies desservant l’Algérie s’en sortent très bien grâce à leur recours à des prix exorbitants.

Selon de nombreux spécialistes, le marché du transport aérien en Algérie est l’un des plus juteux en Afrique. La forte communauté algérienne à l’étranger, en particulier en Europe, fait que les compagnies aériennes desservant l’Algérie sont tout le temps sollicitées. L’offre de vols est souvent inférieure à la demande, notamment durant la période estivale.

La crise sanitaire liée au Covid, qui a commencé il y a près de deux années, a accentué davantage le souci des voyageurs qui se retrouvent toujours confrontés au problème de la disponibilité des vols sur certaines destinations, en raison des restrictions imposées par les autorités algériennes concernant le nombre de vols accordées aux différentes compagnies aériennes. Une situation qui a engendré un véritable désordre dans la programmation des vols, et surtout une hausse sans cesse des prix des billets.

Les low cost sur les traces des compagnies aériennes traditionnelles

La question de la hausse des prix des billets d’avion est devenue aujourd’hui une affaire d’État en Algérie. Tout le monde en parle, sans pour autant trouver la solution. Du Premier ministre aux députés à l’APN, en passant par le ministre des Transports et les organisations de défense des consommateurs, chacun s’est exprimé sur la question, mais les choses sont restées en l’état. Le billet d’avion, quelle que soit la compagnie ou la destination, est toujours inaccessible pour le commun des Algériens.

En effet, à voir les prix des billets affichés par les compagnies low cost opérant en Algérie, rien ne distingue ces dernières des compagnies traditionnelles. Un état de fait qui intrigue les clients algériens, qui ne se font plus d’illusions concernant le prix à payer que ce soit en low cost ou à bord d’une autre compagnie.

Pourtant, comme son nom l’indique, une low cost est censée être une compagnie qui propose des vols à bas prix. Une logique qui n’a plus raison d’être de nos jours, au vu des prix exorbitants affichés par ces compagnies qui sont parfois identiques à ceux des compagnies régulières, avec des services en moins. En effet, ce qui différencie les compagnies low cost des autres compagnies aériennes c’est l’absence de certains services offerts aux clients à bord de l’avion.

Des compagnies qui n'ont de « low cost » que le nom

Une compagnie low cost est sensée proposer des prix très bas à ses clients, tout en limitant ou en supprimant les services annexes au sol et en vol. C’est d’ailleurs en supprimant ces nombreux services que les compagnies low cost rattrapent le manque à gagner sur les prix des billets proposés à leurs clients. Donc en principe, une compagnie low cost est doit afficher des billets à bas prix, quelque soit la période de l’année, du moment que ses offres de services sont toujours limitées.

En Algérie, trois compagnies low cost sont actuellement autorisées à effectuer des vols entre l’Algérie et la France. Il s’agit de Transavia, filiale du groupe franco-néerlandais Air France KLM, et les deux compagnies espagnoles Volotea et Vueling. Parmi ces trois low cost, c’est Transavia qui tire son épingle du jeu grâce à son exploitation de nombreux créneaux de sa filiale mère, Air France, sur la ligne Algérie-France.

Quand les low cost s’alignent sur les tarifs des compagnies régulières

Une opportunité saisie par Transavia, qui continue à afficher des prix hors normes alors qu’elle est censée proposer des billets de moindre coût vu son statut de low cost. Profitant de l’importante demande des clients algériens sur la ligne France-Algérie, Transavia applique des prix qui sont quasi identiques à ceux pratiquées par Air France et Air Algérie sur les mêmes destinations.

À titre d’exemple, un vol Paris-Alger avec la compagnie aérienne low cost Transavia coûte entre 480 et 590 euros pendant le mois de janvier, alors que chez la compagnie ASL Airlines, l'aller simple coûte 499 euros.

Vol de Transavia Paris - Alger
Vol de Transavia Paris - Alger
Vol d'ASL Airlines Paris - Alger
Vol d'ASL Airlines Paris - Alger

Mais face à la loi de l’offre et de la demande, les compagnies low cost, qui se retrouvent de nos jours submergées par les clients, continuent à afficher des prix qui sont loin de refléter leur statut. L’absence de concurrence est également mise en exergue par les observateurs, car lorsqu’un pays aussi vaste et populeux comme l’Algérie est desservi par une poignée de compagnies, il est certain que ces dernières usent d’une pratique de prix à leur guise.

Un aller simple Marseille-Oran proposé à 700 euros par une low cost

C'est le cas également pour l'autre compagnie low cost Volotea, qui a obtenu récemment le feu vert des autorités algériennes pour desservir l’Algérie depuis de nombreuses villes français. La compagnie low cost espagnole a entamé ses dessertes le 16 décembre dernier, avec un premier vol entre Marseille et Oran avant de se lancer depuis le 23 décembre sur la ligne Bordeaux-Alger. Deux créneaux qui font l’affaire de Volotea, pour la simple raison qu’elle se retrouve actuellement seule sur ces deux lignes, qui ne sont desservies par aucune autre compagnie, y compris Air Algérie et Air France.

Une aubaine en somme pour la compagnie espagnole, qui a mis à profit cette situation de monopole pour afficher des prix qui dépassent tout entendement. Volotea n’a pas dérogé à la règle des autres compagnies lorsqu’il s’agit de la destination Algérie, en proposant un billet entre Marseille et Oran à partir de 700 euros, en aller simple. Un prix exorbitant auquel il faudrait ajouter environ 80 euros pour une valise de 25 kg et 21 euros de frais de dossiers. Le total s’élève à 800 euros pour un aller simple. Un prix qui a suscité la réaction de nombreux Algériens, qui ont affiché leur colère sur les réseaux sociaux. Pour eux, payer 800 euros pour un vol en aller simple entre Marseille et Oran à bord d’une low cost est inacceptable.

Vol Volotea Marseille - Oran
Vol Volotea Marseille - Oran

« Une compagnie low cost ce n’est pas un nom ! C'est un prix »

Pour les professionnels du secteur, l’ouverture du marché à d’autres compagnies serait le seul moyen pour permettre une vraie concurrence et pousser ainsi les différentes compagnies en lice à baisser les prix. C’est dans cette optique d’ailleurs que les Algériens attendent avec impatience l’arrivée tant annoncée de la nouvelle compagnie low cost Fly WestAF.

Avant même son entrée sur le marché algérien, cette compagnie privée, fondée par l'algéro-américain Chakib Ziani Cherif, se veut déjà un vrai concurrent pour les autres compagnies opérant en Algérie, sur le plan tarifaire. En effet dans un tweet publié le 3 novembre dernier, le patron de Fly WestAF a écrit : « Une compagnie low cost ce n’est pas un NOM !! C'est un PRIX !! ». Un message subliminal, que les autres compagnies low cost veulent voir sa mise en application retarder, tant que leurs affaires en Algérie marchent.

La stratégie des compagnies aériennes sur le marché algérien

D’ailleurs, les chiffres annoncés récemment par le quotidien français La Tribune, révèlent que le groupe Air France-KLM a presque doublé son nombre de passagers et son chiffre d'affaires durant l’été 2021. Ses taux de remplissage sont remontés et sa recette unitaire s'est significativement améliorée, ajoute la même source, qui précise que la performance d'Air France-KLM aurait tout de même été beaucoup plus contrastée sans la performance de Transavia, la compagnie low cost du groupe, qui réalise plus des trois-quarts des bénéfices d'exploitation du groupe.

Air France et sa filiale Transavia, qui opèrent toutes deux en Algérie, ont réussi à rentabiliser leurs dessertes entre la France et l’Algérie grâce à leur stratégie. En effet, ces deux compagnies utilisent des avions gros porteurs pour leurs dessertes avec l'Algérie. Elles opèrent avec des Boeing 777-300 d'une capacité de 468 à 472 sièges au lieu de leurs habituels moyen-courriers de type A320 et B737 de moins de 200 sièges.

Cette offensive du groupe franco-néerlandais a permis à Air France et Transavia d’acheminer un nombre important de voyageurs entre la France et l’Algérie, notamment durant la période estivale. Une période durant laquelle Air France et sa low cost proposaient des billets à des prix très élevés, à destination de l’Algérie, permettant au groupe d’atténuer les effets de la crise sanitaire sur sa trésorerie et renflouer ainsi ses caisses grâce en particulier au juteux marché algérien.

Pourtant, à voir le nombre important de compagnies aériennes desservant l’Algérie, la logique voudrait que la concurrence incite les compagnies en question à revoir leurs prix afin d’attirer le plus grand nombre de clients. Une logique de marché qui n’est malheureusement plus en vigueur de nos jours, en raison de la crise sanitaire. Toutes les compagnies, y compris les low cost, desservant l’Algérie appliquent des prix élevés, tout en se référant à la loi de l’offre et de la demande.

ASL Airlines explique à un client la cherté des prix des billets
ASL Airlines explique à un client la cherté des prix des billets

Un billet pour l'Algérie coûte 9 fois plus cher qu'un billet pour la Tunisie

En effet, intervenant dimanche 26 décembre sur la chaîne de télévision Echorouk News, le porte-parole de la compagnie Air Algérie, Amine Andaloussi, a expliqué que les prix pratiqués par la compagnie aérienne répondent à la loi de l'offre et de la demande. À ce propos, il a cité l'exemple du billet entre Alger et Paris aller-retour à bord d'Air Algérie qui est aujourd’hui affiché à 64 000 DZD, alors qu'avant la pandémie, quand la compagnie effectuait plus de vols, le prix des billets était entre 27 000 et 32 000 DZD.

C’est le même raisonnement chez les autres compagnies aériennes desservant l’Algérie, à l’instar d’Air France. Cette dernière, qui assure des vols commerciaux entre l’Algérie et la France, propose des billets qui dépassent 500 euros en aller simple et cela à longueur d’année. Une situation qui fait dire à de nombreux voyageurs que les deux compagnies en question se sont arrangées pour appliquer des prix aussi exorbitants en Algérie, en mettant à profit leur statut de quasi-monopole.

En effet, comment se fait-il que la compagnie Air France propose des billets aussi chers aux clients algériens alors que les prix affichés pour le Maroc et la Tunisie sont inférieurs ? À titre d’exemple, un billet Paris-Tunis est affiché par Air France à partir de 82 euros. Le billet Paris-Rabat au début du mois de décembre, avant la fermeture des frontières marocaines, est proposé par Air France à 170 euros. Le trajet Paris-Alger est affiché à partir de 786 euros.

Prix des billets Paris - Tunis chez Air France
Prix des billets Paris - Tunis chez Air France
Tarif du billet Paris - Alger avec Air France
Tarif du billet Paris - Alger avec Air France
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