Réintroduction du couplet anti-français dans Kassaman : Xavier Driencourt en rajoute une couche

Xavier Driencourt - Drapeaux France Algérie

La décision officielle de réintroduire, par décret présidentiel, un couplet anti-France dans la version étendue de l'hymne national algérien, Kassaman, suscite une réaction vive en France. Bien que cette décision concerne l'Algérie, les politiciens français continuent à exprimer leur position, alimentant ainsi la polémique.

Ainsi, après la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna qui a réagi à la réintroduction du couplet s'adressant directement à la France en estimant que cela peut « apparaître à contre-temps », que ce couplet était « très daté » et qu'il fallait replacer « cela dans son contexte de la décolonisation », c'est au tour de l'ancien ambassadeur de France en Algérie d'ajouter une couche.

Kassaman n'a pas été modifié et le couplet hostile à la France n'a pas été « réintroduit »

Xavier Driencourt, très présent dans les débats sur les relations franco-algériennes, et connu pour son hostilité à l'Algérie depuis plusieurs mois déjà, a également commenté la décision algérienne. Ambassadeur de France en Algérie de 2008 à 2012 puis de 2017 à 2020, Driencourt estime d'abord qu'« il n'y a pas de changement dans l'hymne algérien, contrairement à ce qu'on peut lire parfois ».

« Le pouvoir a simplement élargi la liste des circonstances au cours desquelles Kassaman sera chanté dans sa version complète en cinq couplets. L'un d'eux, le troisième en l'occurrence, comprend des tonalités guerrières et anti-France. La version de l'hymne algérien écourtée à un couplet – sans le passage anti-français – était jusqu'à présent la plus fréquemment utilisée. L'hymne intégral – avec le passage anti-français – n'était diffusé qu'aux congrès du FLN et pour l'investiture du président de la République algérienne », explique l'ancien ambassadeur.

Quelles motivations derrière cette décision de l'Algérie ?

Xavier Driencourt s'interroge ensuite dans cette interview accordée au journal Le Point sur d'éventuelles « motivations profondes derrière cette décision »1. « J'imagine que ce choix n'est pas anodin. Il intervient au moment où la visite en France du président Abdelmadjid Tebboune est reportée pour la troisième fois. Il intervient également au moment où le président algérien se rend à Moscou. Enfin, est-ce un hasard si cette décision tombe alors que le débat public français porte sur la remise en cause de l'accord franco-algérien de 1968 sur l'immigration ? » déclare Driencourt. Toutefois, il est utile de signaler que le décret a été signé bien avant que le chef de l'État algérien ne parte en Russie.

Xavier Driencourt affirme que « l'Algérie et la France ne sont pas ennemies ! Les deux pays étaient adversaires pendant la guerre, à l'époque où, justement, Kassaman a été composé. Mais il est vrai que les relations sont restées complexes depuis 1962, date de l'indépendance algérienne ».  Il rappelle que « la seule période vraiment chaleureuse remonte aux années Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, entre 1995 et 2007. Les deux présidents avaient une relation assez amicale ».

Revenant au couplet controversé en France, le diplomate indique que le couplet ne suscite pas de débat en Algérie. « Il n'y a pas eu de débat depuis les années 1980, période au cours de laquelle ce fameux couplet a été mis de côté. Il avait été admis de ne pas jouer l'hymne entier, comme pour La Marseillaise du reste, dont on ne joue habituellement que le premier couplet. Cependant, les réactions suscitées en France à la suite du décret présidentiel algérien font réagir de l'autre côté de la Méditerranée2 », estime Xavier Driencourt.

Cet ex-ambassadeur considère donc que la réintroduction de ce couplet est un acte hostile à la France, allant jusqu'à demander indirectement à l'Algérie d'être reconnaissante pour le fait qu'Emmanuel macron ait « reconnu, en 2018, la responsabilité de l'État dans la disparition de Maurice Audin, mathématicien communiste, militant de l'indépendance algérienne. Le président français a également reconnu, en 2021, que l'avocat nationaliste algérien Ali Boumendjel a été "torturé et assassiné" par l'armée française. La France a par ailleurs restitué, en 2020, des ossements dont certains sont attribués à des résistants algériens. La France a également constitué une commission pilotée par l'historien Benjamin Stora, qui a lui-même rédigé un rapport en 2021 sur les questions mémorielles, la guerre et la colonisation de l'Algérie. Et puis, il y a eu la visite d'Emmanuel Macron pendant 3 jours, en 2022 ».

Poursuivant dans cette logique du colonisateur, cet ancien ambassadeur veut donc renverser la situation en affirmant que la France a fait « de nombreux gestes » sans que cela implique un retour du « côté algérien ». Il faut dire que les réactions françaises sur ce décret ont fait réagir de nombreux Algériens qui considèrent la décision de réintroduire le couplet dans l'hymne algérien comme souveraine et que les Français n'ont même pas le droit de la commenter.


  1. Hymne algérien : « Le couplet anti-France n’est pas “rétabli” par hasard », Le Point 

  2. Kassaman, réactions françaises, réactions algériennes aux réactions françaises : la polémique enfle 

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