Le sujet de l'immigration revient en force en France. Les acteurs de la scène politique se prononcent dans un sens et dans un autre. La France plus que jamais est divisée sur cette question. L'ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, s'est invité dans ce débat. Débarrassé de son obligation de réserve, ce diplomate connu pour les polémiques qu'il suscite à chacune de ses interventions préconise en effet la remise en cause des accords de 1968 entre l'Algérie et la France.

Pour ce diplomate, ces accords font qu'aucune loi sur l'immigration ne peut s'appliquer sur l'Algérie1. Dans une interview accordée au journal Le Point, Xavier Driencourt explique en parlant de cet accord algéro-français qu'il a « été signé peu après ceux d'Évian de 1962, alors que la population algérienne comptait une dizaine de millions d'habitants et que la France, en pleines Trente Glorieuses, recherchait une main-d'œuvre francophone. Il visait à faciliter l'installation des Algériens en France, en leur accordant un certain nombre d'avantages ».

Cependant, pour ce diplomate, « aujourd'hui, le contexte a changé, mais ces avantages subsistent ! Les Algériens ont droit à un certificat de résidence administrative pour tout visa de plus de trois mois, ils peuvent obtenir un titre de séjour au bout d'un an, le regroupement familial est facilité, les étudiants peuvent transformer leur visa d'étudiant en titre de séjour permanent. Ils échappent également aux règles favorisant l'intégration ». « Toutes ces dispositions sont exorbitantes au regard du droit commun, et on ne peut pas les changer, car les traités internationaux, dans l'ordre juridique français, l'emportent sur les lois2 », affirme encore l'ancien ambassadeur de France en Algérie.

Les positions de Xavier Driencourt proches de celles de la droite française

Il faut dire que les positions de Xavier Driencourt se rapprochent de plus en plus du courant hostile à l'Algérie en France. Il ne rate aucune occasion pour remettre en cause certains avantages qu'ont les Algériens sur cette question. Plus loin encore, ce diplomate enfonce le clou. Il affirme que les lois successives sur l'immigration n'ont jamais concerné les Algériens3. « En 1986, les visas ont été imposés à tous les pays, y compris aux Algériens, par le gouvernement de Jacques Chirac, mais nous n'avons jamais réussi à maîtriser cette immigration. Aujourd'hui, 12,6 % des immigrés vivant en France sont algériens, et plusieurs millions de personnes sur notre territoire sont d'origine algérienne. C'est pourquoi un projet de loi qui exclurait une dénonciation de l'accord de 1968, extrêmement protecteur, réduirait à presque rien les chances de maîtriser l'immigration », déclare-t-il.

Au-delà des chiffres qui restent à vérifier, Driencourt s'en prend aux immigrés algériens qui « empêchent » la France de maîtriser l'immigration. Revenant toujours sur l'accord de 1968, le diplomate indique que « ces accords font un peu figure d'acte fondateur des relations franco-algériennes, et sont symboliquement lourds ». Parlant au nom des Algériens, il affirme que « dans la mentalité du peuple et des dirigeants algériens, il existe une sorte de "droit au visa", perçu comme la contrepartie de cent trente-deux ans de colonisation »4.

Les dirigeants français ont peur de la réaction d'Alger

Driencourt ajoute que « la France est détestée, mais on exige de pouvoir s'y rendre librement. Nous n'en retirons pour notre part aucun avantage, ni sur le plan des laissez-passer consulaires, qui restent délivrés au compte-gouttes, ni sur le plan des visas octroyés aux Français souhaitant se rendre en Algérie – très limités, notamment pour les religieux ou les journalistes. Pourtant, tout serrage de vis dans l'octroi des visas déclenche de violentes crises ».

La remise en cause de cet accord est de mise, selon le diplomate, même s'il considère que les responsables français « hésitent, car ils redoutent une tempête diplomatique, mais aussi la pression des quelque 10 % de Français ayant, de près ou de loin, un lien avec l'Algérie – un lien charnel, intime ». Une mauvaise attitude, juge Driencourt. « Mais ils font dans le même temps une erreur d'analyse en pensant que les embrassades, la contrition et les tapes dans le dos permettront d'amadouer leurs homologues algériens, qui reviendraient à une position plus raisonnable », explique-t-il en restant sur ses positions tranchées sur les dirigeants algériens qui ont été, selon lui, « formés dans l'ex-URSS brejnévienne des années 1970. Ils fonctionnent au rapport de force5. Aujourd'hui, ils savent au fond que cet accord de 1968 n'a plus lieu d'être, et rient de notre naïveté ».


  1. Accord franco-algérien de 1968 : un accord figé dans le temps et dépassé, Contribution 

  2. Immigration en France : Les Républicains veulent durcir les conditions 

  3. L'Accord de 1968 : Pourquoi l'Algérie y tient tant ? 

  4. Pour les Algériens, aller en France fait partie du mode de vie normal 

  5. Les Algériens ne comprennent que le rapport de force et ne sont intéressés que par les visas, affirme Xavier Driencourt